Dans son quatrième long-métrage dont il a le contrôle totale, Orson Welles va formellement expérimenter et approfondir la thématique du faux dans ses moindres détails. LA DAME DE SHANGAI se révèle d'une modernité à toutes épreuves.


Dès le début, Welles nous emmène dans un monde factice. Son personnage, Michael O'Hara, solide et charismatique mais d'une naïveté pathétique, va se laisser emporter dans une affaire délicieusement retorse. Les personnages sont tous travaillés jusqu'à la moelle, tous ont du caractère, de la personnalité ainsi que de sombres motivations. Dans ces écrins vont se fondre les acteurs qui offrent des partitions ambiguës. Au détour de délicieuses séquences en extérieures et de vertigineux gros plans sur les visages, le doute et la méfiance ne cesse de s'installer. Les pions se déplacent subtilement pour parvenir à ce final d'une intelligence et d'une beauté formelle implacable. O'Hara a beau connaître la triste réalité par son expérience de la guerre, il se laisse bercer d'illusions. Il se rendra bien compte de sa stupidité mais au détriment d'une part de sa personnalité. Ce film nous happe par sa description d'un monde sans foi ni loi, où le procès d'un homme n'est qu'une farce, où la vie n'est que manigances et orgueil. Idées que l'on retrouve au travers de ce merveilleux travail sur le second plan appuyant le propos du premier et donnant vie au film au-delà de la scène.


Magnifique, LA DAME DE SHANGAI met à l'amende bien des productions récentes. Dans sa forme comme dans son fond, il déjoue les codes et propose une vraie leçon de cinéma. Un film-noir mais en même temps bien plus que cela.

Seenzek7
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le 8 févr. 2021

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