rire jaune! commence en "screwball comedy", pour finir en "Idées noires" de Franquin

Je ne savais presque rien de ce film, de son histoire: des sources en qui j'avais confiance me parlaient de "screwball comédie", genre que j'aime. Au final, je crois qu'ils ont tort sur l'appellation.
En confiance, je suis donc rentré dans la danse et en effet j'ai dans un premier temps bien souri et apprécié. D'autant plus facile que j'aime ceux impliqués dans ce film dont Cary Grant
et surtout j'aime les films&séries sur le journalisme
Et quel plaisir de reconnaître un des frères Duke du si drôle "Un fauteuil pour deux de John Landis"


Résumé: Pour récupérer sa femme journaliste (Hildy Johnson jouée par Rosalind Russell ), qui veut divorcer, le rédacteur en chef d'un quotidien (Walter Burns/Cary Grant) la manipule puis convainc de l'aider "une dernière fois" au journal en interviewant un prisonnier dans le couloir de la mort (sa cellule est la cage d'Hannibal Lecter).
Il va (vraiment) tout faire pour l'empêcher de se marier à un autre (Bruce Baldwin/Ralph Bellamy).
Je découvre Helen Mack qui joue Molly Malloy, l'amie du condamné harcelée et bafouée par la presse (Lady Diana avant l'heure…)


Ce sont les dialogues qui m'ont séduit dés le tout début…pas de temps mort.
Et pour une époque encore plus macho qu'aujourd'hui, voir un homme se battre pour qu'une femme reprenne le travail est très fun: Cary Grant joue un mari convaincu que Rosalind Russell est faite pour le journalisme où elle excelle...et non pour le mariage avec l'ennuyeux Ralph Bellamy.
Leur "banter" , leurs vannes entre eux, leur badinage est un vrai ping-pong jouissif comme on les aime, et en effet a des airs de screwball comedies;
Ce flot/flux de vannes noous fait tomber dans une sorte de tourbillon: Jean-Paul Rappeneau parle du montage comme d'un ruban qu'on déroule; ici, il défile à toute vitesse et nous avec.


MAIS j'ai commencé à lentement moins apprécier quand je réalise que le fond de tout cela est la vie d'un homme en jeu, un innocent...j'ai pensé au film de Clint Eastwood, True Crime où 60 ans plus tard, il joue aussi un journaliste au chevet d'un innocent condamné...


Ils s'amusent tous, jouissent de leur métier mais autour d'un drame: j'aimais regarder ce film jusqu'au tout premier plan sur la potence...très bon plan...très inattendu...dans ce feu d' artifice de dialogues jouissifs, j'avais oublié le fond, l'arrière plan.
Avec tout le fun et plaisir à voir et entendre ces journalistes, j'avais oublié l'innocent condamné à mort:...tous ces salariés autour de cette affaire apparaissent alors comme des mouches à merde; on dirait des bouchers qui vivent de la bête sacrifiée..
Dans cette danse macabre autour d'une figure innocente, ce plan très soudain sur la potence est un électrochoc (même si c'est pas un chaise électrique): il nous ramène à la réalité.
Nos rire&sourires en deviennent jaunes.



Ce plan, soudain et plongeant, sur une potence hugolienne, sur sa corde et ses bourreaux dans la cours médiévale a figé mon sourire et a donné un drôle de goût au film...



Mais le pire est quand l'amoureuse du condamné arrive au cours de la partie de cartes des journalistes et qu'ils l'ignorent tous ...ils ont déjà publié des fakes news sur elle:



"Scoops sur la pute qui voulait épouser l'assassin"...
or rien n'est vrai. Ils ne l'avaient pas même vraiment rencontrée ou crue.
Quand elle arrive au bureau, ils l'ignorent, après l'avoir trainée à tort dans la boue et noyée dans leur encre pleine de fiel et mensonges...elle est désespérée, à bout de nerfs, n'a pas couché avec le condamné...c'est un ami et ils ont juste parlé toute une seule nuit, comme souvent font les vrais futurs amoureux.
Les journalistes continuent de jouer aux cartes, ils ne l'écoutent pas, sa vérité ne les intéressent pas, le papier a déjà été publié…
L'actrice Helen Mack est déchirante: pas drôle du tout.

De rage, elle dit vouloir les "défigurer" (les pourrir dirait un autre? ...ces sale menteurs...mais elle est interrompue par le bruit de la potence que les bourreaux sont en train de tester...elle va à la fenêtre et elle voit, comme nous, la potence de son ami... plan important de préparation car elle reviendra à cette fenêtre.



Puis Cary Grant et tout le barnum journalistique et du film reprennent le dessus: je recommence à oublier le fond et à jouir des dialogues et de la situation mais au 3/4 du film, près du dénouement, l'amoureuse est à nouveau en pleine crise de désespoir, hystérique de chagrin


et à cours d'idée et panique:
elle se jette par la fenêtre! …
elle ne menace pas de se jeter, elle se jette carrément et littéralement…
la caméra s'approche du bord...je vois le balcon
mais elle n'est pas du tout sur le balcon, elle s'est bien jetée
et écrasée face la première sur le bitume!
...os et face écrasés
je ne m'y attendais pas du tout , du tout...c'est après tout censé être une "côôômédie"
pourquoi ne pas l'avoir fait tomber sur le premier escalier de secours comme ils en ont aux Etats-Unis?


Certains ici et ailleurs (même wikipédia) disent que c'est une comédie screwball;
on a pas la même définition.


Cary dira:



"ça va, elle bouge encore"



...ben pas moi, je ne bougeais plus à ce moment:


une fille, amoureuse, sincère vient de s'éclater la boite crânienne deux ou trois étages plus bas


puis très vite, ils reprennent tous leurs dialogues et ""banter"" (comme disent les anglais) et badinage et vannes et charme comme si de rien n'était
le film continue comme si de rien n'était...mais sans moi alors (comme si arrêté à ce stade).
Ma bouche, elle, est encore ouverte du "choc".


Ses auteurs pensent que je vais continuer à m'amuser et jouir du pétillement du "champagne" de ses dialogues de ses deux stars que j'adorais;
ce serait comme continuer à boire sa bonne soupe après avoir vu le serveur la servir aux autres, ses ongles noirs trempant dans les assiettes,
ce serait continuer à boire une bière quand on a juste eu le temps de voir un type retirer sa bite de la pint juste avant qu'on revienne du bar;
vous me trouvez vulgaire? cela l'est moins que cette scène:


on vient de voir une gamine se fracasser sur le trottoir, et je suis sensé continuer à rire;


C'est comme vouloir admirer un Temple à l'étranger alors qu'on vient de passer un enfant mourant dans les bras d'une mendiante


...l'amoureuse vient de se défenestrer devant nous!


Et bien sûr, ils en parlent déjà plus du tout et se sourient et recommencent leurs enfantillages:


complètement hors-champ, la massacrée gît encore sur le trottoir


Ms Molloy a été pressée comme un citron même par la journaliste qu'on croyait attentionnée à son égard; la folle dingue n'est plus utile.


On réalise alors que les deux passionnés de journalisme sont aussi cyniques et utilisateurs que les autres.
C'est du cinéma mais c'est pas une screwball fun comédie, c'est noir de chez noir (comme la coupe de cheveux&apparences désarticulées de Ms Molloy qui la feront ressembler à un personnage de Franquin
et "du coup", film pas aussi drôle et détonnant la première fois qu'on le voit...je verrai la prochaine fois si son cynisme m'empoisonne moins le plaisir.

PierreAmo

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