La Dernière Femme de Marco Ferreri est à la luxure ce que La Grande Bouffe du même auteur est à la gourmandise : une Oeuvre à travers laquelle le héros ( Gérard Depardieu, mais nous y reviendrons très vite...) expie son péché par où il a péché. Dans le film scandale de 1973 le réalisateur châtiait son quatuor de bourgeois en retournant leurs excès gastronomiques contre eux-mêmes, montrant leur suicide boulimique et collectif comme un surprenant fantasme morbide et jusqu’au-boutiste...


Trois ans plus tard le cinéaste italien ( et à l'aune de la libération sexuelle et des mouvements féministes de tout poil ) montre Gérard comme le dernier rempart d'une certaine idée du patriarcat. Puissamment incarné par un Depardieu vu comme jamais auparavant ( ni depuis lors, du reste ) Gérard représente la figure masculine comme le genre de tous les excès libidineux, faisant de sa sexualité sa priorité quotidienne. Dans les décors intérieurs abstraits d'une banlieue dévitalisée Ferreri filme son acteur sous toutes les coutures, sculptant sa masse virile et imposante avec un humour à la fois très provocateur, malaisant et faussement désinvolte.


Après un prologue n'étant pas sans rappeler l'ouverture du Théorème de Pier Paolo Pasolini ( un ouvrier quitte son usine et son existence sociétale pour une re-découverte intime de son Moi profond, la figure féminine agissant comme le révélateur de ses démons - au même titre que Terence Stamp dans le film pré-cité ) Marco Ferreri va suivre à la trace Gérard, chômeur et père d'un petit garçon partageant ses frasques et ses ébats dans l'amoralité la plus complète. Sans limites ( il semblerait impensable aujourd'hui de proposer, de produire, de tourner et encore plus de diffuser un film comme La Dernière Femme ) Marco Ferreri explicite jusqu'à l'obscénité l'appétit sexuel de ce personnage ogre ; Depardieu, génial comme souvent, demeurait l'acteur idéal pour un rôle aussi exclusif.


Impossible - en parlant de ce film réputé interdit voire même pornographique par ses nombreux censeurs - de ne pas évoquer la fameuse scène d'auto-émasculation clôturant le métrage : atrophie du symbole viril par excellence ce passage à l'acte renvoie forcément à l'orgie suicidaire des bourgeois de La Grande Bouffe. Gérard Gérard Depardieu inverse littéralement son désir de jouissance en se débarrassant crûment et violemment de son membre phallique, unique moyen pour lui de se faire accepter par une société qui - à vouloir l'égalité des sexes - condamne le mâle à la castration ultime. La Dernière Femme est aussi, finalement, le film du dernier homme : un témoignage légendaire d'une époque en pleine mutation anthropologique. Drôle, choquant et terrifiant !

stebbins
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le 20 févr. 2020

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