Après avoir vu ce film, je me suis demandé combien de Siodmak j'avais vu à ce jour. Trois ! C'est peu ! Je sais que j'ai d'autres de ses oeuvres dans mes différentes piles de films et que ce nest donc qu'une question de temps avant que je ne m'y retrouve confronté à nouveau. Mais le plus surprenant, c'est que j'ai totalement oublié la déception que j'ai eue lors du visionnage de "Les rats". Un film plein de bonnes idées narratives, mais apparemment pauvre au niveau de la mise en scène. Ce qui me donne envie de revoir ce film pour vérifier ma première impression. Car ici tout est nickel. Pourtant ce n'était pas gagné. Je ne suis pas un grand fan des films noirs, et les intrigues se ressemblent à peu près toutes.

C'est justement ça qui est ingénieux dans "The Dark Mirror" : l'intrigue, contrairement aux autres films du genre, ne consiste pas en une enquête pour savoir qui a tué. Si les premières minutes laissent présager un film à twist ridicule, Siodmak s'en tire en nous dévoilant directement la supercherie. Et là ça devient vraiment intéressant. Car il ne s'agit plus seulement d'une enquête mais d'un véritable pamphlet sur les notions de bien, de mal, de justice. le récit prend également une tournure tout à fait personnelle pour le réalisateur lorsqu'on sait qu'il a lui même toujours dû faire face à un problème de rivalité avec son frère (à cet égard, je redirige le lecteur vers l'entretien avec Hervé Dumont contenue dans le DVD du film, mais aussi facilement trouvable sur Dailymotion* ; l'analyse du film, par ailleurs, est d'une justesse exemplaire).

Le récit est difficile à regarder pour la simple raison que le spectateur y est malmené. En effet, si aucun personnage ne si retrouve dans cette histoire de gémellité, c'est le cas du spectateur aussi. Il suffit d'une seconde d'inattention et l'on ne sait plus si l'on a en face de nous Ruth ou Terry. C'est très perturbant. Pour le reste, les personnages sont délicieux et leur comportement ne défie jamais les lois de la logique. L'intrigue est donc solide, grâce au fait aqu'on ne joue pas sur la surprise (qui a tué) mais plutôt le suspens (est-ce que le tueur va finir par se laisser surprendre). Comme Hervé le précise, le film s'achève sur un goût amère. Et si la victoire n'était pas aussi évidente qu'il n'y paraît. Cette déclaration est un spoiler sans en être un véritablement, car tout ne tourne pas autour de ça. L'autre intérêt du film, ce sont les séances de psychanalyse. Certe, cela fera sourire aujourd'hui, au même titre que les théories scientifiques des films des années 60 semblent farfelues de nos jours, mais ça passe assez bien. On y croit. Et miser la tension sur ces moments est assez couillu. À priori, si on m'avait dit qu'il y aurait tant de scènes dans ce bureau, j'aurais cru m'ennuyer, ce n'est heureusement jamais le cas.

Autre atout du film, son ingéniosité formelle. Il est rare de voir des effets spéciaux bluffant pour l'époque. Faire jouer les deux jumelle par une seule et même actrice était donc un pari osé. Et Siodmak aime se compliquer la vie puisqu'il s'amuse à utiliser des miroirs dans plusieurs de ses cadrages, de quoi se faire tirer les cheveux le responsable de ses effets (qui n'a même pas été crédité en plus). Quant aux acteurs, has been ou stars en pleine quête d'un rôle à contre emploi, tous s'avèrent convainquants. Enfin, la photographie est bien travaillée et les mouvements de caméra sont toujours pertinents, jamais envahissants.

Bref, "The Dark Mirror" est un beau tour de force tant d'un point de vue technique que artistique. Peut-être est-ce un peu trop parfaitement carré, ce qui ne laisse que peu de place à la vie, mais ça reste une oeuvre magistrale à dévorer.

*http://www.dailymotion.com/video/xs0dte_the-dark-mirror-double-enigme-de-robert-siodmak-entretien-avec-herve-dumont_shortfilms
Fatpooper
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le 30 nov. 2013

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