Une nouvelle plongée dans l'univers de Del Toro, amour monstre et craquage de doigts au programme !

Le réalisateur mexicain Guillermo Del Toro est de retour sur le devant de la scène avec un nouveau film de monstre, trois ans après son dernier long-métrage Crimson Peak. Il mélange une nouvelle fois histoire d'amour et fantastique en faisant la synthèse de toute sa filmographie, livrant ainsi son meilleur film, maîtrisé de bout en bout.


Commençons par ma première impression du film, à l'apparition du générique. Le premier ressenti est très important lorsque l'on regarde une oeuvre, il est essentiel de le garder en tête en l'analysant. Pour ma part, j'en redemandais ! The Shape of Water est une oeuvre profondément singulière, celle qu'on attendait depuis bien longtemps. Rien qu'en lisant le synopsis, on sait que ce film se démarquera de ses concurrents, à une époque où tous les blockbusters se ressemblent et où suites et remakes étouffent les salles de cinéma. Dès les premières minutes, le spectateur se rend compte que ce mélange de genre fonctionne parfaitement et se retrouve envouté par ce conte moderne. Car c'est véritablement ça l'essence du film, c'est un conte. C'est pour cette raison que l'on retrouvera quelques coïncidences douteuses ou un méchant très caricatural. Au lieu de pester, il vaut mieux se laisser aller par ce narrateur à la voix mélodieuse.


Malgré tout, ce premier ressenti est contrasté. En effet, pendant toute la durée du film, il me manquait quelque chose. Peut être que j'avais trop idéalisé son intrigue avant même de le voir mais l'histoire d'amour entre l'héroïne muette et la créature marine aurait pu être bien mieux développé. Rajouter une trentaine de minutes de plus au long-métrage serait bénéfique pour leur relation. Celle-ci évolue beaucoup trop rapidement, Elisa tombe amoureuse de la créature très vite et son compagnon aquatique s'attache à elle d'une manière très abrupt. Je veux bien qu'il y ai une complicité avec l'échange d'oeufs mais leur évolution aurait mérité plus de temps. A cause de cela, le film perd en intensité, ce qui ne l'empêche néanmoins pas de dégager une grande poésie lors de certaines scènes (salle de bain, cinéma).


Abordons maintenant son contenu, en commençant par parler de l'image. Elle est parfaite, que dire de plus ? Des mots défilent dans mon esprit: sublime, maîtrisée et envoutante. Comme pour ses autres films, la photographie est le plus gros point fort de Guillermo Del Toro. Il a une patte visuelle très forte ce qui ancre ses longs-métrages dans un univers spécifique au réalisateur. Le choix de conter l'histoire dans une époque passée renforce son charme. Des jeux de lumières viennent sublimer les décors sombres et très chargés du film. Tout semble incroyablement vrai grâce au travail pharamineux des décorateurs qui ont peint à la main chaque détail que l'on peut apercevoir en arrière plan. De même que l'apparence de la créature, entièrement fabriquée à base de prothèses et de maquillage. Les CGI, omniprésent dans les blockbusters actuels, ne font vraiment pas le poids. Autre point très intéressant, l'utilisation de l'eau revêt une symbolique particulière. Comme le titre l'indique, l'eau est distillée sous plusieurs formes tout au long du film. Elle permet presque à chaque séquence de faire les transitions mais aussi de montrer la détresse intérieure de l'héroïne. Enfin, elle vient unir le couple singulier en montrant deux gouttes se mêlant l'une dans l'autre. Je vous laisse vous amuser à trouver les nombreuses autres signification de ce liquide.


Terminons cette critique avec une étude sur les personnages peuplant The Shape of Water, tous passionnants à suivre. L'actrice principale est éblouissante et dévoile ici l'étendue de son talent uniquement avec ses mimiques. Sally Hawkins joue une femme de ménage muette plongée dans une profonde solitude intérieure. D'ailleurs, cette solitude devient une thématique omniprésente pour les différents personnages du film. Le voisin de Elisa est vieux et rejeté, personne ne le comprend et rien ne lui réussit. L'antagoniste, père de deux enfants et marié à une très belle femme, est quant à lui frustré de sa vie et souhaite échapper à son quotidien ennuyeux en se mettant à la poursuite de la créature. Etre seul, que ce soit dans sa tête ou dans sa vie, parait donc inévitable. Mais Guillermo Del Toro offre une solution à cette détresse: l'amour et l'acceptation de sa différence. C'est le remède ultime face à la solitude. D'ailleurs, le réalisateur fait passer de nombreux messages sur la différence de manière très subtile et spontanée. Certaines phrases restent dans la tête une fois sortie de la salle, très souvent prononcées par l'antagoniste, tellement caricatural qu'il en devient jouissif. Del Toro prend le temps de bien développer ses personnages secondaires et leur donne une vraie personnalité, complexe et réaliste. A travers ce "méchant", on peut bien sûr discerner une critique du rêve américain (femme parfaite, enfants angéliques et très sages, réussite dans le travail). Même s'il a tout réussi, le personnage demeure insatisfait et torturé. Il extériorise toute cette haine pour sa vie et ses regrets dans une violence extrême qui renforce encore plus l'impact de ses actions.


Ainsi, Guillermo Del Toro livre une ode à la différence et à l'amour à travers une histoire d'amour singulière, magnifique tant sur le plan de l'image que sur le fond de l'intrigue. Il met en scène des personnages humains et auquel le spectateur peut instantanément s'identifier. L'héroïne est ainsi caractérisée par son quotidien et tout passe par ses émotions. Le réalisateur n'hésite d'ailleurs pas à la montrer dans ses moments les plus intimes (ostracismes) renforçant ainsi sa banalité. Même si la relation entre les deux protagonistes évolue trop rapidement, le spectateur ne peut qu'aimer cette histoire d'amour singulière et intimiste, sublimée par une bande son envoutante.

Sinar1107
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le 6 mars 2018

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