Un amour au premier regard. Le motif romantique par excellence. Personne n’est dupe, mais peu importe, on a tous été bercés par divers histoires de coup de foudre et autres contes romanesques, alors pourquoi se braquer au prétexte que l’un des deux amoureux est une étrange créature couverte d’écailles ? Cette question, puisqu’elle revient à interroger les critères qui distinguent « humains » et « monstres », incorpore parfaitement cette passion dans la filmographie de Guillermo del Toro dont on connaît, depuis maintenant un quart de siècle, le goût pour cette thématique philosophique, dans la droite lignée de l’empreinte qu’a su laisser Tim Burton sur le cinéma fantastique...
The Shape of Water traverse le temps pour atterrir au début des années 60, en pleine Guerre froide, berçant le film d’une fibre nostalgique assez charmante et d’un sentiment d’urgence lié au conflit américano-russe. Superbe étendard au story-telling sublimé par un visuel flamboyant, registre dans lequel excelle Del Toro, sa dernière création évoque l’amour sous toutes ses formes. Une histoire d’amour, tout d’abord, mais aussi une déclaration d’amour aux monsters-movies, aux films noirs, aux comédies musicales et au cinéma plus généralement (des classiques aux séries Z, pour lequel Del Toro conserve une indéfectible affection depuis l’enfance). Son fantastique conte baroque imprègne chaque image d’un amour infini pour les films. Cette cinéphilie, connue pour être l’elixir du cinéaste mexicain, vient donner corps à ses visions fantasmées résolument romantiques, mariant très habilement les ingrédients de sa recette magique dans le chaudron de la créativité. Un enchantement auquel il est presque impossible de résister...
Guillermo del Toro calque donc son récit sur la forme du conte, comme c’était le cas dans Le Labyrinthe de Pan. Un conte moderne, avec des résonances sociales, politiques et humanistes. Le rapprochement entre les deux êtres passe par le silence. Lui ne parle pas humain, elle est muette. Leur amour est silence, le geste, le tactile, la présence, remplacent les mots. Un langage, comme la musique, non verbal. Sensible aux codes du fantastique, Del Toro ne passe toutefois pas à côté d’une certaine violence physique quand elle s’impose, ce qui peut choquer les plus sensibles. Il vaut mieux être averti. Mais c’est l’émotion qui domine, les sentiments, l’amour, la reconnaissance dans la différence, pris dans un récit à la fois épique et intimiste, aux accents de thriller de science-fiction. C’est à se demander si Guillermo del Toro est capable de rater un film !!!