Une relation naissante anecdotique, une histoire convenue et une musique insignifiante. Mais aussi des décors fabuleux, des acteurs rayonnants de talent et une direction artistique ainsi que des détails absolument délectables, voici ce que je me suis pris sûr le coin de la gueule en allant voir "La Forme de l’Eau" de Guillermo Del Toro il y a peu.
Guillermo Del Toro, connu pour "Le Labyrinthe de Pan", "HellBoy" ou encore "Crimson Peak", et plus précisément pour le travail et la fascination qu’il accorde aux contes et aux créatures, revenant cette année avec une nouvelle légende assez sympathique. Pas extraordinaire, fort convenue mais sympathique. Pour cette fois il a décidé de penser son film comme la suite spirituelle de "L’étrange créature du Lac noir" de 1954, qui nous dépeignait à l’époque l’histoire d’une équipe de chercheurs déterminés à capturer une de leur récente découverte, à savoir un amphibien humanoïde d’Amazonie, objet de fascination pour les chercheurs et monstre ayant un petit penchant pour les charmantes femmes dénudées, le bougre.


Pour "La Forme de l’Eau", l’action se passe au Etats-Unis dans un climat froid et paranoïaque, en pleine guerre froide donc, où Elisa Esposito (Sally Hawkins), jeune femme discrète et renfermée bossant comme femme de ménage dans un centre de recherche ultrasecret avec son amie Zelda, découvre après un accident une créature amphibie (Doug Jones) capturée et ramenée depuis peu par Richard Strickland (Michael Shannon) : colonel droit, père de famille superficiel et immonde personnage (nan sérieusement ce mec est une sale petite enflure pendant la totalité du film). Elisa est une femme sensible, dissemblable à son environnement et complètement incomprise, d’autant plus qu’elle est muette, figurant ainsi l’image d’une personne singulière mais écartée, attendant la venu de celui ou celle qui pourrait la délivrer de son quotidien amer. Elle vit en colocation avec un artiste vieilli (Richard Jenkins) n’arrivant plus à suivre son époque et subissant une profonde solitude, et qui m’a tout l’air d’être une projection de Guillermo lui-même. La personne qui viendra délivrer Elisa sera donc l’amphibien, qui lui aussi est dans l’incapacité de communiquer (parce que lol, il parle pas), et ainsi les deux créatures incomprises se verront attirées l’une l’autre pour entamer une relation insolite, qui ne sera toléré par ce salopard de Strickland, voulant plutôt ouvrir la créature en deux et ainsi prouver qu’il en a une plus grosse que les soviets.


Et c’est d’ailleurs ça le point le plus foiré du film : la relation.
A vrai dire, je peux laisser passer des gros trucs : la femme de ménage qui a accès a des projets militaires top secret sans pression ? ok. Aucun code d’accès, lui permettant de revenir quand elle veut ? ok. Le communiste assez teubé pour aller se faire plombé sans défense alors qu’il savait pertinemment qu’il était en danger ? ok. Les personnages un peu faciles avec des destins convenus ? heu… ouais ok. Je laisse passer tout cela car ce n’est pas le propos, et qu’il est plus important de se focaliser sur le fondamental de l’œuvre, à savoir la relation des êtres aimés et ses conséquences. Le problème étant que le début de cette relation est très (voire bien trop) vite expédiée et excessivement grossier, car Guillermo veut aborder ce qui l’intéresse plus rapidement, soit les conséquences de celle-ci. Sauf que ces conséquences sont rendus inefficaces à cause de la manière bien trop expéditive de traiter les origines du rapprochement des deux êtres, ainsi que de leur découverte mutuelle, amené par le putain de délire obsessionnel qu’a Elisa avec les œufs. Par exemple, il y a une scène assez forte où Elisa supplit son vieillard pour qu’il l’aide à sauver la créature. Forte car le talent d’acteur de Sally Hawkins est colossal (elle aurait du gagner l’Oscar au passage) mais appauvrie d’impacte par l’inintérêt que représente la relation à ce stade du film. Ce problème ne détruit en rien le film, mais c’est extrêmement dommage. Et pas mal de scènes comme celle-là sont privées d’efficacité ou de poésie, comme le moment où elle remplie une pièce fermée pour nager avec son amour, passage devenant anecdotique car trop vite expédié. Guillermo manque d’insistance et cela gâche beaucoup. Il a quand même eu les couilles de nous rapporter une relation saugrenue, voire même répugnante pour certains (on parle de rapports sexuels avec une créature) qui symbolise les relations homosexuels rejetés par certains dogmes, dont la religion qui d’ailleurs suinte de l’idéologie de cette saloperie de Strickland, mais n’en fait rien à part la réduire à une simple vanne maladroite.
Au passage la musique est totalement osef. Elle est pas médiocre loin de là, d’ailleurs la mélodie est assez jolie à entendre, mais le travail d'Alexandre Desplat n’a rien de transcendant (lui par contre ne méritait pas l’Oscar) et je trouve même que parfois elle ne correspond pas à certaine scène où elle passe, notamment quand on devine l’angoisse d’Elisa et que la musique… n’a juste rien a foutre là quoi. Ce qui prouve son insignifiance.


Bon j’arrive à un point où je n’arrive plus à dire du mal de ce film. Ce qui m’amène a dire que tous les autres aspects du film sont très bien maitrisés ou de très bon goût. Parce que oui, Il ne faut pas que vous vous fassiez à l’idée que j’ai détesté "La Forme de l’Eau". Si ma note n’est pas négative, par extension mon avis n’est pas lui aussi. La direction artistique par exemple, et plus particulièrement les décors sont tout simplement magnifiques. Ce souci du détail physique est une qualité qu’on ne pourra pas enlever à Del Toro. Soucis du détail qui se retrouve aussi dans le symbolisme : la couleur rouge du sang laissé par la créature qu’Elisa poursuit avec passion, l’intolérance concentrée dans la mâchoire des antagonistes qui font constamment craquer un bonbon ou une connerie dans le bouche quand ils avancent des propos délirants, Le PUTAIN de délire avec les œufs, ou encore l’utilisation omniprésente de la courte focale pour allonger les décors et ainsi détacher Elisa de son environnement. Tout ça nous mène à une œuvre bien sympathique.
Ce n’est pas une légende du cinéma, mais ça reste un conte modestement bon de celui-ci. Et ça fait plaisir de voir ce genre de films à l’affiche pour en relevé le niveau.

Ian_Vivi
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le 10 mars 2018

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Ian Vives

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