Guillermo Del Toro, frère spirituel de Tim Burton, revient avec un nouveau film : La forme de l’eau. Etonnant, énigmatique, envoutant, doux, intriguant, déjà 13 nominations aux oscars, cette véritable fable magnifique nous plongeant dans les Etats Unis des années 60 sous fond de guerre froide, nous conte une histoire d’amour pas comme les autres entre une muette et une créature marine. Nouvelle création étonnante, cette œuvre risque de vous chambouler…


Qu’avons-nous vu de l’amour ?


Oh je l’attendais avec la plus grande impatience « La forme de l’eau ». Rien que son affiche vintage semblant tout droit sortir de l’universal Monsters me faisait saliver. Non, ce nouveau film signé Guillermo Del Toro n’est ni le reboot de L'Étrange Créature du lac noir, ni un film solo sur Abe, le compère d’Hellboy. Les comédies musicales, les vieux cinémas et films d’époque, les valses musicales, amoureux des années 60 et autres nostalgiques, La forme de l’eau est sans l’ombre d’un doute fait pour vous. Attention, bien que sous la forme, ce conte féérique fantastique aurait tout du film familial, ce n’est un pas un. En effet, nombreuses scènes crues (de la nudité, des petites scènes hot), petits pics d’humour noir de chez noir, passages sanguinolents et un peu cradingues, nous prouvent que ce film n’est pas à mettre devant tous les yeux.


Faisant à la fois office d’œuvre poétique fantastique, romance, rêve éveillé, thriller historique avec un soupçon d’épouvante, La forme de l’eau tient en haleine du début jusqu’à la fin, délivrant au passage, tout comme un certain La Belle et la Bête, un joli message de tolérance. Une fois de plus, nous est vivement rappelé que le monstre n’est pas toujours celui que l’on croit. D’une grande qualité visuelle, jouant avec brio sur le mouvement de l’eau, les éclairages sous-marins et la couleur turquoise, Guillermo Del Toro arrive à émerveiller et jouer avec nos émotions, tout en nous faisant trembler et nous choquer. Un peu plus optimiste que Le labyrinthe de Pan, ce film n’en demeure pas moins choquant à bien des moments.


Il faut dire que ce développement de cette histoire d’amour surprenante entre une humaine et un homme poisson, ce n’est pas tous les jours qu’on voit ça au cinéma. Grand coup de pied dans les convenances, une fable nous renvoyant à notre époque, dénonçant le dysfonctionnement des sociétés de notre ère où l'on sépare les êtres les uns des autres selon leurs différences ethniques, physiques voir mentales. Nous devons accepter l’autre, ce dire qu’être différent ne veut pas dire être inférieur aux autres, valoir moins que les autres. Oui, la différence peut être en belle. La preuve, notre film nous montrant qu’il ne faut pas avoir peur de ce qui est différent. La forme de l’eau : célébration de la différence.


Sujet qui fâche, bien que ces éléments soient naturels: le trop plein de scènes politiquement incorrect et inconvenantes pour un film de ce genre. Là, il y a risque de voir la pureté de notre histoire se salir. Un peu sanglant (notre homme poisson étant sauvage), une héroïne bien seule qui se masturbe dans sa baignoire, un meilleur ami très âgé faisant du gringue à un jeune homme (juste une seule brève scène), quelques dialogues vulgaires et interactions entre Elisa et la créature très très déstabilisantes, pour ma part, ça n’a pas sa place dans un film traitant avec sérieux une histoire d’amour . Il faut malheureusement vivre dans l’ère du temps. Néanmoins, bien qu’à bien des moments, La forme de l’eau peut choquer, il reste indubitablement magnifique, philosophique, multipliant les scènes symboliques.



Quand il me regarde, il ignore en quoi je suis incomplète. Il me voit
telle que je suis.



La vie n’est que le naufrage de nos projets


Devant la caméra, la comédienne Sally Hawkins sidère, touche au plus profond de nous de part sa bonté, sa pureté, son style soigné, et sa douceur. Elle ne parle pas et pourtant, elle transmet quantité d’émotions. A ses cotés, Doug Jones, se retrouve dans la peau d’un homme poisson, campant l’être amphibie qui marquera le cinéma et le bestiaire de Guillermo Del Toro. Notre homme poisson, ne parle pas, n’émet que des gloussements pour communiquer.


Tout comme le personnage d’Elisa, il n’y aura que langage des signes et jeux de regard. Que c’est beau, surtout le maquillage et les prothèses utilisées pour que Jones soit méconnaissable, mimant à merveille la créature souffrant, manquant d’air. L’homme poisson prend vie sous nos yeux ébahis, nous attachant très vite à la mignonne créature sauvage de la même manière qu’un certain extraterrestre…E.T. D’ailleurs, l’acheminement de notre intrigue ne sera pas sans rappeler par moments le film culte de Spielberg (ai-je dis que l’homme poisson possédait des pouvoirs extraordinaires ?). Un bon point pour Del Toro qui garde son univers bien à lui. Le travail sur la relation entre Elisa et la créature est précis, psychologique, sans facilités, montrant que sur de nombreux points, la femme et l’homme poisson se ressemblent.


Quant à la musique signée Alexandre Desplat, elle joue un rôle essentiel dans la magie entourant La forme de l’eau. Par ailleurs, certains fans du Fabuleux destin d’Amélie Poulain ne pourront s’empêcher de trouver que le début de notre film ressemble à cette œuvre française signé Jean-Pierre Jeunet.


Elisa et la créature ont beau faire partie du thème central de notre film, d’autres personnages importants gravitent autour d’eux. Michael Shannon interprète Richard Strickland, agent de sécurité aux allures de psychopathes, Octivia Spencer se glisse dans la peau de Zelda Fuller, la collègue et meilleure amie bienveillante d’Elisa, Richard Jenkins joue Giles, le voisin complexé et meilleur ami d’Elisa, quant au génial Michael Stuhlbarg, véritable sosie de Robin Williams, interprète le Dr Robert Hoffsteller, un scientifique menant un double jeu. Guillermo Del Toro, de par cette idée de travailler sur ces personnages, permet à l’histoire de gagner en profondeur, de fasciner, évitant de tomber dans l’ennui.



Toi et moi, ensemble.



Au final, La forme de l’eau sent bon l’air marin d’une part, et d’une autre, il sent bon le film réalisé avec amour. Cette fable très sombre et déroutante, combinant douceur, réalisme, violence avec quelques pics d’humour noir, ne manquera pas de vous toucher, tout en vous faisant revoir la définition du mot amour.

Jay77
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le 22 févr. 2018

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