Avec le battage médiatique (et puis cette affiche magnifique, quand même), on était en droit de s’émerveiller. Pourtant Del Toro, bien qu’il prenne le chemin du conte, ne parvient jamais à toucher au but, à nous prendre par la main et à nous amener dans son univers.
La Forme de L’Eau a tout de même un petit quelque chose de Jean Pierre Jeunet, que ce soit dans la colorimétrie ou dans l’approche de certains personnages tendres et naïfs. Si la direction artistique tend largement vers l’hommage aux années 40 et aux divers créatures aquatiques cinématographiques, la modernité semble être absente : de par son scénario mais surtout par un manque de profondeur flagrant.
Tout semble binaire, les personnages sont très vites rattachés à leurs actes, les méchants, les gentils, les méchants en fait gentils, ou la gentille créature parfois méchante. Du coup ce rythme n’aide pas beaucoup l’empathie pour ces personnages. Seul celui du grand méchant assume clairement sa caricature jusque dans sa décomposition.
La bonne idée de Del Toro pour son personnage féminin est de ne pas faire dans la facilité, Sally Hawkins n’est pas un canon de beauté hollywoodien, mais surtout elle n’est pas jeune. Du coup, le personnage arrive avec son passé, ses habitudes et son ancrage dans cette société. Il aura fallut qu’il lui ôte la parole et qu’il lui laisse des marques significatives (très évidentes sur leur portée) pour lui enlever le charme qu’elle aurait pu opérer. Car la romance ne s’installe pas progressivement, elle arrive vite et par des incohérences sécuritaires maladroites. Là où le film parvenait à éveiller quelque chose, à la limite d’une certaine gêne, Del Toro détourne le regard, il n’offre pas la sexualité de cette femme mûre et n’aborde donc pas son film d’une manière plus moderne. L’histoire d’amour reste bien plate avec une créature pauvre en interaction. On reste alors dans son aspect le plus primitif, à la découverte d’une espèce presque enfantine qui doit nous faire croire qu’il tombe amoureux.
Le Labyrinthe de Pan parvenait autant à émouvoir qu’à effrayer dans une dimension imaginaire, tout en ancrant ses personnages dans une réalité historique. La Forme de L’eau, sous couvert de guerre froide n’arrive jamais à accrocher le spectateur quand à ses théories. Que ce soit dans l’oubli de la nature profonde de la bête, dans ce laboratoire trop facile d’accès, ou dans le choix d’une libération retardée alors que l’Océan est à deux pas, on reste perplexe. L’histoire aurait pu marcher si le décor autour ne fuyait pas de tous les côtés. La Forme de L’Eau revêt alors l’aspect d’un joli conte mais où ni l’émotion, ni l’émerveillement ne semblent faire partis de la donne. Jusqu’à la fin, le film ne nous donne pas accès à la magnifique prestance de cette affiche.