Chute des classes
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Parler des banlieues est très délicat. Que l'on en a conscience ou pas, on a tendance à les séparer des autres classes sociales, comme si les banlieusards étaient de pauvres pauvres, auquel on pense mais pas trop, qu'on ne fréquenterait qu'involontairement. On a tous en image les violences banlieusardes véhiculées par les médias. Difficile de déterminer ce que eux, qui y vivent au quotidien, en ressortent. Ce regard leur pèse-t-il ? Sans doute davantage que l'on le pense. Ainsi, comment voulez-vous que la colère ne vienne infecter les espoirs ? L'Ennui détruit tout, le Respect en est un remède durable. Dans les deux cas, les moyens de les contourner se tournent davantage vers la violence. Mais nous connaissons des banlieusards qui privilégient le Rêve ou le Travail pour y échapper. Ce maître mot: Échapper. Qui est valide partout dans le monde.
Voilà, pour moi, le vrai propos de "La Haine".
Il n'est pas générationnel. Ce film ne vieillira pas, parce qu'il se sert de la banlieue comme toile de fond sociétal pour attiser, la curiosité des uns et la recherche d'identification des autres. Ce film ne vieillira pas, parce qu'il reconnait qu'il n'y a pas d'autre solution que la haine pour ne pas se faire bouffer par la haine que les autres ne se priveront pas d'employer, flics comme banlieusards. Son sujet dépasse le cadre banlieusard, les "bonnes gens" sont aussi concernés par ses sujets : l'assèchement de l'âme face aux désillusions, les amitiés bringuebalantes, les origines face aux utopies. Ce film est profondément triste, radicalement désespéré, d'une agressivité permanente et fatigante, comme ses protagonistes. Sa mise en scène est sans cesse au plus près d'eux, de leurs débris cardiaques. Pour les porter, ces êtres anéantis par l'Ennui, il fallait des anéantis comme on en croise tous les jours. Ils crèvent tous l'écran, en particuliers Cassel bien sûr (quel acteur !), ou Vincent Lindon qui arrive, en 3 minutes d'apparition, à être à la fois parfait et marquant. On ne remet pas en cause leur authenticité, lorsque l'on comprend que le film ne se veut pas portraitiste de son époque ou de son rang social. Et j'espère fortement que jamais un film ne viendra se prétendre de cette trempe, parce que cela ne pourra que renforcer cet état d'esprit discriminatoire, profondément ancré dans nos sociétés, qui veulent séparer les problèmes des banlieusards de celles des "bonnes gens". Forcément, on n'avancera pas ainsi, et ça dure comme ça depuis toujours, et ça durera jusqu'à la fin. On n'a pas le temps d'y réfléchir : chacun doit gagner sa vie... Dans leur cas, c'est plutôt chacun doit la perdre. C'est ça qui fait de "La Haine" un film indispensable.
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Créée
le 24 juin 2019
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