Je le dis tout de suite, je n'ai pas lu le livre de Stephen King qui a le mérite d'être la source d'un chef d'oeuvre cinématographique. A vrai dire, je ne le lirai sans doute jamais, car, je ne suis pas charmée par l'écriture de notre ami. Cependant, quand on oublie ses mots simples, ses quelques espaces et ses très nombreuses astérisques, il faut croire qu'il a un certain talent d'imagination. Ses histoires ne sont jamais mauvaises et, avec un bon réalisateur, ça marche souvent.
Par contre, si je n'ai pas foi en cet auteur, ce n'est pas le cas pour le réalisateur de cette adaptation. Frank Darabont, m'avait en effet déjà beaucoup plu avec son film Les Evadés, tendre et plein d'espoir. Fidèle à ça, avec La Ligne Verte, il nous happe dans l'histoire dès les premières minutes avec encore plus de puissance que dans son premier film déjà très beau.
Je savais que c'était une oeuvre avant de le commencer. Ou du moins, je savais ce que les gens en disaient. C'est pour cela que ça fait maintenant plus de cinq années qu'il patientait dans mes envies. "Pourquoi tant d'attente ?" me diriez-vous. Deux raisons : ses trois heures et ses trop nombreux fans. Tout cela m'effraie toujours un peu. Mais, en ce moment, j'ai envie de regarder de longs classiques du genre. C'est aussi pour cela que j'ai vu récemment Vol au-dessus d'un nid de coucou, qui partage, selon moi, énormément de choses avec La Ligne Verte.
Finalement, comme le souligne ma note, j'ai adoré. Et La Ligne Verte rejoint mes 25 08/10.
Au début, ça n'a pourtant pas été le cas. Quand j'ai vu cet homme âgé commencer à raconter son histoire, je me suis dis "Oh non ! Pas encore un film basé sur un flash-back géant !". Je sais pas pourquoi, mais j'aime pas ça. On peut éviter ça dans les scénarios, et il serait bénéfique de le faire.
Et puis après, on entre enfin dans le vif du sujet. On est jetés dans le couloir de la mort du bloc E nommé la Ligne Verte, et on en ressortira que trois heures plus tard, noyés dans les larmes et la morve. Dès que l'on met les pieds dans ce lieu clos, le film prend une toute autre tournure et déjà, la perfection du film pointe le bout de son nez.
Faut dire que le casting est sacrément génial. Tom Hanks que je n'aime pas beaucoup, mais qui ne cesse de me surprendre, Michael Clarke Duncan absolument touchant, Barry Pepper parfait, comme à chaque fois et, enfin, Sam Rockwell toujours aussi fort en psychopathe au sourire sale et effrayant. Le pire c'est que les acteurs - moins connus par moi ou par le reste des amateurs de cinéma - sont tout aussi excellents que les grands précédemment nommés. Quand on regarde les hommes jouer leur rôle on distingue directement le personnage derrière, le tout est fluide, pas exagéré, ultra bien représenté à l'écran. Les émotions sont même, la plupart du temps, véhiculées par les visages des gardiens et des prisonniers.
Les personnages sont tout de suite très bien construits. On s'attache à absolument tout le monde (excepté Percy à qui on souhaite une mort lente et douloureuse, sur la chaise, sans éponge, par exemple). Chez les gardiens : Paul est tout de suite admirable pour sa bienveillance avec tout le monde, Brutal est un personnage que l'on apprécie pour son caractère calme, Dean est juste absolument touchant. Et chez les prisonniers, on tombe sous la fragilité et la naïveté de Del et, évidemment, il nous est impossible de ne pas tomber sous le charme de cet immense bon enfant qu'est John Coffey (oui, comme le café). Sans oublier qu'il y a aussi le rustre mais hilarant Toot-Toot dont je n'ai pas encore saisi le rôle au sein du bloc E, et Mister Jingle, qui a clairement, le meilleur rôle de la pellicule. Les liens entre tous les personnages sont minutieusement travaillés, un semblant de réalité nous rend encore plus sensibles. Chaque homme dans cette prison a son rôle, son caractère, ses amis et son ennemi (Percy, toujours et encore).
Mais ce n'est pas tout, il n'y a pas que les personnages qui sont merveilleusement biens orchestrés. Il y a aussi le lieu lui-même, ce couloir angoissant, clos, peu lumineux avec quelques cellules assez petites pour se faire nommer "cages". Une ambiance étrange se fait ressentir autour de ce couloir au décor plus que réaliste. J'adore les films qui se passent dans les hôpitaux psychiatriques et dans les prisons pour ce genre d'atmosphère. Ce lieu n'est pas qu'un décor de cinéma, on y voit une vive critique de la peine de mort et de l'administration autour de ça, avec ces innocents assassinés, ces mises à mort douloureuses, ces gardiens exécrables etc. On est même anéantis par certaines choses qui se passent dans les prisons. Vol au-dessus d'un nid de coucou avait fait de même avec les asiles pour gens diagnostiqués fous. Comme quoi, le principe de la chaise électrique, faut arrêter les gars.
Le film réussi une autre chose, comme le réussissait Vol au-dessus d'un nid de coucou 24 ans plus tôt : allier humour et émotions. Au début, pas de question de mise à mort, juste des relations entre les personnages. La première fois qu'on parle de la chaise électrique, c'est Toot-Toot qui s'en charge et c'est avec beaucoup de légèreté, il arrive même à nous faire rire aux éclat par son comportement. Pourtant, l'étau se referme petit à petit autour de nous et autour de deux des personnages les plus attachants du cinéma. Le stress débute en même temps que nos yeux s'humidifient et à la fin il n'est pas possible de tenter de se retenir. Ce n'est pas un film à considérer comme larmoyant, par contre, sinon je n'aurai pas aimé. A la fin, on ressent plus de l'espoir, l'envie de vivre, même si Paul et John nous soulignent bien que vivre est une chose difficile et fatigante. Mais comme le dit Disiz, "la vie n'est pas belle, c'est la lutte qui l'est".
Le film est aussi doté d'une dimension religieuse appréciable et très belle même si très discrète. Certains personnages se moquent totalement de Dieu, comme Toot-Toot. Mais certains comme Del, John et Paul croient en un créateur tout puissant, c'est beau et ça donne espoir. Un espoir placé, surtout, dans cet incroyable sorcier qu'est John.
La bande-originale est très discrète, et elle utilise les violons pour nous faire pleurer, ce que les acteurs auraient pu très bien faire seuls. Je n'aime pas ce genre de bande-originale. Parce qu'à vous, voir le visage de Dean couvert de larmes ça ne vous a pas suffit à être triste ? Moi si. Et j'aurai aimé une OST un peu moins ordinaire, un peu moins tire-larmes.
Une autre petite chose dont j'aurai pu me passer : les pouvoirs de John. Il est vrai que c'est au centre d'un scénario travaillé, fluide et agréable mais le surnaturel dans ce genre d'oeuvre, ce n'est pas mon truc. Coffey aurait pu très bien être guérisseur sans faire de la lumière comme Raiponce et sans cracher des abeilles comme le gosse de Miss Peregrine.
En résumé, La Ligne Verte est un beau film, émouvant, drôle et travaillé jusqu'au bout des ongles et représenté par un casting exceptionnel. C'est un peu un héritier réussi d'un Dernier Jour d'un condamné, d'un Vol au-dessus d'un nid de coucou et d'un Des Souris et des Hommes mais qui arrive à se forger son propre univers dans lequel on est happés.