Premiers pas en sélection pour Stéphane Brizé et premier prix pour la carrière de Vincent Lindon. Ce nouveau film politique a su trouver sa place à Cannes et toucher un jury international. Car le chômage, ce mal qui gangrène notre pays, est également palpable ailleurs. Plus largement, cette difficulté de retrouver un emploi après un certain âge n'est pas qu'une réalité française.
La Loi du marché interpelle forcément avec un tel sujet. Mais c'est son scénario à la limite du documentaire qui fascine. Jamais les réalités d'un chercheur d'emploi n'avait été filmé de manière aussi frontale, sans pathos ni fioriture. Il ne s'agit que du quotidien de Thierry, homme ultra-ordinaire et cinquantenaire à la recherche d'un nouvel emploi. La caméra de Stéphane Brizé le suit sans trop se manifester dans ses entretiens d'embauches et autres rendez-vous au Pôle Emploi. On dirait du Wiseman dans la vie de chômeur. Ce qui est montré à l'écran ne reflète que la dure réalité de milliers de français et donne du crédit à un telle œuvre au festival international du film.
On sait depuis Mademoiselle Chambon la capacité de Stéphane Brizé à se faire discret pour laisser ses acteurs s'exprimer. On connaît surtout les interprétations remarquables qu'il arrive à tirer de Vincent Lindon. Dans la Loi du marché, l'acteur incarne Thierry avec ces yeux de chiens battus et cette formidable sympathie qui le caractérisent. On sait gré à Brizet de laisser Lindon s'exprimer sans essayer de marquer son emprunte. Malgré tout, son choix de mise en scène radicale qui consiste à ne filmer que son personnage principal, abandonnant tout champ contre-champ lors des dialogues, accentue le contraste entre le professionnalisme de Lindon et le reste des acteurs, non-professionnels. La tentation de vouloir faire sortir les mouchoirs ou les mouvements contestataires est forte de la part de Brizé, mais Lindon résiste, restant d'une sobriété incroyable.