Nous sommes en 1915 et la première guerre mondiale tend à s'enliser. C'est alors qu'entre en scène pour la première fois dans l'Histoire de la guerre, l'aviation, censée changer le cours du conflit et choisir un vainqueur. Mais loin d'être encore décisive, elle n'est guerre utilisée que pour scruter les lignes ennemis et éventuellement effectuer quelques bombardement derrière elles. Elle porte néanmoins la guerre dans le ciel pour la première fois. Le capitaine Courtney (lynn) et son ami le lieutenant 'Scotty' Scott (Niven), sont les as de la cinquante neuvième escadrille britannique de la Royal Flying Corps (future Royal Air Force) commandée par le major Brand (Rathbone) et basée en France non loin du front. Leur quotidien dans les airs est fait de mission de reconnaissance, d'embuscades, de bombardements et de ballets aériens avec les bicoques de la Luftwaffe. Au sol, il alterne entre rafistolage des biplans, accueil des nouvelles recrues et beuveries entre camarades. Mais au fil des jours, sur l'immense tableau qui orne le mess et répertorie les noms de l'ensemble des pilotes de l'escadrille, des noms disparaissent et d'autres les remplacent. A l'annonce chaque veille de missions des nouveaux ordres suicidaires de l'état major, Court s'exaspère un peu plus et, perdant patience face aux recrues de plus en plus jeunes et de moins en moins expérimentées qu'on lui envoie, finit par s'en prendre directement à son supérieur, qui les méprise pourtant autant que lui sinon plus. Les ordres font désordres mais sont les ordres. Bientôt Court lui-même, promu au grade de major suite à une mission mutine menée à bien, en fera la dure expérience : l'exercice du pouvoir ronge et isole et les Et Scotty à son tour lui reprochera ses décisions, avant qu'une nouvelle fois la roue tourne, et qu'il se retrouve à la place honnie du major, obligé de prendre les décisions qu'il reprochait à ses deux prédécesseurs.


Dans la carrière de Flynn, le tournage de The Dawn Patrol en 1938 se situe entre celui catastrophique du film de Litvak The Sisters avec Bette Davis (l'acteur arrivait tous les mains imbibé d'alcool avec à chaque fois une nouvelle poule sous le bras mais pas une ligne de texte en mémoire) et celui tranquille (trop tranquille) de Dodge City de Curtiz, et peu de temps après que sa présence au casting de Gone with the Wind (dans le rôle de Rhett avec Davis dans celui de Scarlett) ait capoté. Pourtant il s'agit bien d'une de ses meilleures compositions. La plus sérieuse même et aboutie avec celle de James J. Corbett dans Gentleman Jim. Tourné avec peu de moyens et essentiellement dans le mess de l'escadrille (les prises de vues aériennes étant celles que Hawks filma en 1939 avec Fairbanks dans le rôle de Niven) le film se veut, outre une dénonciation évidente de la guerre, un documentaire sur la routine des as de la première guerre mondiale et une sorte de manifeste sur la prise de responsabilité et les fonctions du pouvoir (ou du devoir en l'occurrence). Comme dans Ceiling Zero ou Only Angels Have Wings de Hawks, Goulding (cinéaste fétiche de Davis qui s'entendait mal avec Flynn) filme les aviateurs dans la monotonie de leur routine : leur cuite, leur doute, leur chagrin, leur colère, leur joie... Il décrit également une époque où la guerre étaient encore affaire de gentlemen et où deux ennemis dans les airs pouvaient écluser un godet de cognac à terre. Un code de l'honneur disparu depuis. Mais où il se montre le plus habile c'est dans sa réflexion sur la discipline, le devoir et les responsabilités. Il construit pour ça son film en trois parties avec à chaque fois un nouveau major à la tête de l'escadrille, Rathbone d'abord, Flynn ensuite et Niven enfin, et avec à chaque fois le même apprentissage douloureux de la compromission. Tous préfèreraient en effet troquer leur galon de major et voler à leur risque et périls que d'envoyer à l'abatoire chaque nouvelle recrue pour leur baptême du feu.


Pour finir, un petit mot sur le courage (ou l'inconscience) des as de la première guerre mondiale, pionniers de l'aviation, qui se faisaient la guerre à 4000 m d'altitude dans une boite en ferraille avec quatre ailes et deux mitrailleuse pour toute arme. Le carburant à même le tableau de bord, les ailes en toile, pas de cockpit... Un cercueil volant quoi. Ces types étaient de grands malades. En pilotes chevronnés et plein d’humour mais habités par le sens de l'honneur, les deux amis de toujours font merveilles au côtés des fidèles Rathbone et Crisp (encore fidèle sujet de sa majesté). Flynn tira d'ailleurs une grande fierté à endosser le costume de l'armée britannique avec son pote Niven. Pourtant, quand la seconde guerre mondiale éclata et menaça la pérennité de la patrie et alors que le gouvernement exhortait tous ses ressortissants à s'engager, Flynn prétexta mille et une excuses (un coup je suis australien, un coup irlandais et un autre coup américain) pour rester en dehors du conflit au grand dam de Niven qui n'hésita pas une minute. Cet évènement marqua la fin de la grande amitié qui liait les deux acteurs. Le plus drôle dans l'histoire était que Flynn s'était alors égosillé pour rien. En effet seuls les hommes de plus de 31 ans pouvaient rester à Hollywood et lui-même, né le 20 Juin 1909, venait de les faire depuis 15 jours quand l'appel fut lancé. De quoi regagner le chemin des studios et des bistrots sans complexe et sans remord.

blig
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le 18 sept. 2014

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