Ce qui est intéressant avec la restauration de Hanyo, c'est qu'elle fausse d'emblée le regard du cinéphile par les propos de grands cinéastes coréens et de ce cinéphile pointu qu'est Martin Scorsese : comment Hanyo ne pourrait pas être un chef-d'oeuvre si tout le monde l'encense ? Difficile donc d'être vraiment objectif sur ce film et son statut de classique du cinéma coréen, puisque nous manquons cruellement aujourd'hui de films de cette époque pour faire une quelconque comparaison.

Je n'ai pas tout aimé dans ce film : d'une part, la sensibilité de jeu des comédiens en Asie est différente de celle que nous avons en Occident, et de ce fait il m'est toujours difficile d'apprécier à leurs justes valeurs les performances de chacun. Disons qu'ici, les personnages de l'ouvrière et de la servante m'ont séduit davantage que le couple, qui surjoue selon mon goût occidental. De même, le rythme au début est assez déroutant, surtout en comparaison des deux derniers tiers du film, quand la servante prend place dans le décor. Décor : le mot est lâché. Si Hanyo mérite bien des acclamations, dans la capacité de Kim Ki-Young de s'approprier la maison comme un personnage à part entière, une structure architecturale qui influence directement sur l'espoir. Il y a quelque chose de gothique dans ce film qui ne laisse pas indifférent, à la fois étouffant et subtil, délicat et mortel. Le père ne dit-il pas dans la "première fin" du film que "rien ne serait arrivé sans cette maison !" ? Kim Ki-Young fait preuve d'une finesse dans sa mise en scène qui confine au sublime, car il évite toute esbroufe pour s'inspirer des grands maîtres (la référence à Hitchcock est plus qu'évidente avec le verre d'eau dans les escaliers, reste à savoir si Kim l'avait vu à l'époque) et proposer un triangle fatal, où tout peut arriver à n'importe quel moment. Plus que dans sa narration, c'est dans son art de l'ambiance et de la spatialisation que le cinéaste s'illustre, provoquant un huis-clos qui mérite bien, pour en revenir à mon intro, le titre de "source d'inspiration" pour la génération des Park Chan-Wook et autres Bong Joon-Ho.
Cinemaniaque
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le 18 août 2012

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