Je n'ai pas eu le loisir de lire le roman dont ce film est adapté, et ne pense pas m'y atteler, car au vu de la sensation irrépressible de m'enfoncer un peu plus profondément dans mon siège qui n'a cessé de me hanter tout au long du film, je n'ose penser au nombre que je serais capable de lire avant de tomber dans un profond sommeil.
Je l'avoue, et au risque de me retrouver cloué au pilori, j'ai trouvé ce film chiant, bien que construit sur une intrigue d'espionnage a priori palpitante. Je pense que cette présentation très sobre et formelle procède d'un parti pris du réalisateur. Malheureusement, limiter au maximum les dialogues et s'attarder de longs moments sur des plans de la vie courante du personnage central ou des séquences moyennement intéressantes et relativement déconnectées de l'intrigue centrale a malheureusement plus pour effet de nous faire perdre le fil d'une intrigue déjà complexe en la diluant dans toutes ces informations secondaires que de nous plonger dans une certaine ambiance ou un certain style que le réalisateur a semble-t-il voulu insuffler à son oeuvre.

On ressent tout au long du film une sorte de faux suspense lié à cette recherche effrénée (!) du traître dans les rangs du "Cirque", qui porte d'ailleurs bien son nom (comment ça, on l'a déjà faite ?), cette taupe qui agit au plus haut sommet des services secrets britanniques, alors que dans le même temps, et malgré le titre évocateur et selon moi trompeur, l'histoire ne semble pas tant tourner autour du démasquage de cette taupe qu'autour des questionnements métaphysiques de l'agent Smiley, et de manière générale du resurgissement du passé et la nostalgie de la "belle époque" (la Guerre). J'en veux pour preuve ces flash-backs incessants, notamment la scène de la fête de Noël, ainsi que l'image finale de Smiley prenant la tête du "Cirque", tout un symbole puisqu'il ne semble pas convaincu lui-même du bien-fondé de sa tâche.

Alors, bien sûr, tout n'est pas noir, loin de là ! Il y a la performance brillante et poignante de Gary Oldman, ou celle de Colin Firth qui confirme, après Le Discours d'un Roi, qu'il a bien du talent, à l'instar du reste du casting rassemblant le gratin du cinéma british, la musique, parfaitement dimensionnée pour le film, apporte un plaisir indéniable, et surtout la vision proposée de la guerre froide des années 70-80 me semble assez géniale et finalement assez proche de celle qui devait effectivement régner, un mélange de lassitude, de questionnement sur le fait que notre "camp" mérite ou non qu'on donne sa vie pour le défendre. J'ai d'ailleurs ressenti comme rarement énormément d'empathie à l'égard de ce traître si brillamment incarné par un certain acteur de talent (pas de spoiler, même si selon moi la "taupe" est très simple à détecter, mais je garderais pour moi mes observations à ce sujet).
A ce titre, la scène cocasse au cours de laquelle tous les personnels des services secrets chantent en coeur l'hymne soviétique lors de la célébration de Noël résonne comme l'emblème de cette remise en question. Le caractère surréaliste de cette scène symbolise parfaitement, ce me semble, la situation de cette époque, et finalement je me demande si ce n'était pas cela l'objectif du réalisateur, nous faire ressentir toute la vacuité de l'action de ces hommes à travers une histoire si complexe et surréaliste que sa résolution en devient totalement annexe.

En fait, je ne me suis pas fait chier, j'ai juste fait un rêve, dont je n'ai pas compris grand-chose mais dont je n'avais paradoxalement pas envie de sortir et dont j'ai retiré des enseignements extrêmement intéressants.
lavoisier
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le 11 févr. 2012

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lavoisier

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