La Tour Sombre, magnum opus de l'écrivain Stephen King ; son œuvre centrale, écrite sur plus d'une vingtaine d'années, et connectée à pratiquement tous ses autres romans écrits pendant cette période. Pourtant peu connue, cette saga est un mélange étourdissant des genres, navigant entre les époques, les mondes, et des lieux que seule l'imagination pourrait concevoir. Pas étonnant que l'idée d'une adaptation cinématographique ait souvent donnée des sueurs froides aux studios qui s'étaient pourtant, fut un temps, mis d'accord sur le modèle alternant film et série de développement de cet univers gargantuesque, et ce sur plusieurs itérations. Ça aurait pu être glorieux, surtout lorsque l'on voit la réussite visuelle et narrative d’œuvres telles que Game Of Thrones ou Westworld, et que l'on sait ce que le cinéma actuel peut délivrer en termes de spectacle.


La Tour Sombre, c'est une lecture fascinante, un voyage au cœur des mondes, mais également des personnages que tout oppose à l'origine. La saga littéraire est infiniment riche et un réel challenge pour l'esprit par moment, jouant souvent avec les attentes du lecteur et n'hésitant pas à le malmener tout au long des sept tomes par le biais de concepts inattendus. En somme, tout ce que n'est pas cette adaptation filmique signée Nikolaj Arcel. Le constat est amer. J'ai pourtant terminé ma seule lecture de l’œuvre il y a plus de dix ans, mais les souvenirs de cette épopée sont toujours très clairs dans mon esprit. Et ce film n'en approche jamais l'ambiance distillée par la plume de King.


Pourtant, connaître le récit papier devrait me rendre plus réceptif aux éléments passés sur avance rapide du film - bien trop court (1h30) - ainsi qu'à tous le clins d’œil aux autres œuvres de l'écrivain, ou bien à toutes ces allusions éphémères des éléments phares de la saga, comme un fan de Marvel devant chaque nouvel épisode du MCU. Mais ce n'est pas, ici, fait avec amour du matériau originel ; sinon le long-métrage ne semblerait pas aussi étranger. L'avoir lu me permet effectivement de comprendre rapidement ce qui se passe et les implications pas toujours évidentes, mais ça me permet aussi de comprendre pourquoi cette adaptation est ratée et n'a guère en commun avec La Tour Sombre.


Certes, adapter les choses, changer la vision pour éviter de redire la même histoire copiée-collée peut être intéressant, sauf lorsque le protagoniste principal, dont tous les démons ont façonné la quête pendant près de 20 ans, au point de créer tout une série de comics sur son passé, devient un simple personnage secondaire dans le film. L'action est sensée se passer avec Roland Deschain (interprété par Idris Elba), dans cet Entre-Deux-Monde très similaire au Far West, mais peuplé de vestiges technologiques d'une civilisation très ancienne et d'échos à notre monde. Roland est obsédé par la Tour Sombre, pivot central des mondes et des univers, et son épopée le mène à rencontrer divers protagonistes, et à visiter également les États-Unis à différentes époques.


Nikolaj Arcel prend, lui, le parti d'avoir Jake Chambers en protagoniste - un jeune garçon doté de facultés psychiques que Roland rencontre rapidement dans le livre - qui rêve sans cesse de l'Entre-Deux-Monde et de la Tour et finit par trouver un portail qui le mène sur les traces de Roland. Toutefois, le réalisateur ne semble pas aimer cet autre monde et revient très souvent à ce New York contemporain sans saveur. Le film va alors raconter l'aventure de Jake pour échapper à l'Homme en Noir (un sorcier maléfique) qui veut sa force psychique pour détruire la Tour. Il sera donc aidé par Roland dans une lutte tout à fait manichéenne entre un Matthew McConaughey sans états d'âmes, tout en rictus cireux et pouvoirs imparables, et ce bon vieux Idris Elba qui se la joue un peu Mad Max et sait manier les pistolets mieux que Lucky Luke.


En bref, le film est très loin d'aborder ce qui fait tout le sel de la saga (son univers démesuré et son choc des personnalités), préférant se contenter de cette rivalité anodine qui donne alors lieu à des scènes d'action discutables. Certes, avec son budget de film indépendant (60 millions $) alors qu'il méritait au moins le double, on peut difficilement critiquer les équipes techniques d'avoir fait au mieux avec ces moyens limités - preuve d'un projet d'emblée enterré. Même la musique d'Holkenborg se veut oubliable, tellement pompeuse lors des séquences d'action. Néanmoins, ç'aurait été tellement plus simple d'essayer de coller à l’œuvre originelle, plutôt que de la réécrire de la sorte car il est impensable d'être fier de ce long-métrage, à la place d'Arcel, s'il a un minimum lu les livres de Stephen King, surtout lorsque le monument central du récit y est à peine évoqué et montré.

AntoineRA
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le 24 août 2017

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