Au moment où j’ai écrit ces lignes, "La villa" emportait une moyenne honorable de 6,8/10. Ça me parait être une note juste. Parce qu’au fond, qu’est-ce que nous avons ? Une fenêtre de vie ouverte sur une famille comme il y en a tant d’autres, réunie autour d’un événement rassembleur en dépit des différends qu’il y a pu avoir.
C’est ainsi que nous nous retrouvons dans ce merveilleux écrin qu’est la Calanque de Méjean, à proximité immédiate de L’Estaque, en contrebas de la ligne de chemin de fer thermique dite « la côte bleue ». Pour les curieux, je précise que c’est la ligne qui va de Marseille Saint-Charles à Miramas via Port-de-Bouc. Et je peux vous assurer que c’est un endroit magnifique, surtout quand le soleil donne à plein régime, au point de me donner presque envie de sauter du chemin de fer pour plonger directement dans les eaux aux couleurs paradisiaques.
C’est donc dans ce sublime décor que Robert Guédiguian nous offre cette chronique de vie, au sein de cette petite bourgade dans laquelle trône fièrement une villa avec son immense balcon donnant une vue imprenable sur la mer. Cette villa va être le théâtre d’une réunion de famille, rassemblant même les membres qui avaient fui l’endroit depuis de nombreuses années avec ceux qui y sont restés fidèles.
C’est ainsi que nous allons retrouver une kyrielle de personnages tous différents, autant par leur caractère que par leur destinée. Angèle (Ariane Ascaride) est une écorchée vive ; par des répliques soignées aux petits oignons, Joseph (Jean-Pierre Darroussin) fait preuve d’un cynisme absolument jouissif ; muni de son plus large sourire dessiné d’une oreille à une autre au point de déformer son faciès, Benjamin (Robinson Stévenin) est un sacré rêveur un peu benêt sur les bords qui aurait tendance à agacer. Pire, il fait même penser au chanteur (enfin si on peut appeler ça comme ça) Bernardo avec son titre « Je t’aime le lundi » quand il déboule avec son bouquet de roses ! Mais il est aussi capable de surprendre (dans le bon sens du terme) lorsqu’il improvise une visite commentée des calanques. Et puis il y a Armand (Gérard Meylan), qui semble plus terre à terre.
Bon je ne vais pas tous les citer, hein… Mais de se retrouver tous ensemble, c’est aussi l’occasion (sans qu’ils le veuillent vraiment) de remettre à plat certaines choses au gré des paroles qui évoquent immanquablement le passé, un passé aux souvenirs parfois heureux, parfois malheureux, voire dramatiques. Cette réunion improvisée autour d’un parent parvenu au crépuscule de sa vie va donner une prise de conscience à chacun d’entre eux, jusqu’à un certain événement qui va tout ébranler parce qu’elle amène une sacrée remise en question.
"La villa" se déroule sur un rythme lent, selon le rythme de vie des personnes vraiment issues de la région : pas trop vite le matin, doucement le soir. De plus, le cinéaste s’attarde sur des petites choses qui paraissent insignifiantes, comme la décoration des lieux. Ceci a pour avantage d’inviter le spectateur à mieux s’intégrer dans le récit, un peu comme s’il avait son mot à dire. C’est finement pensé, mais pour d’autres ce sera considéré comme des longueurs épouvantables. Mais Guédiguian prend aussi le temps de bien décrire les personnages, leurs différents états d’âme. Au gré d’une photographie intéressante, cela permet de vivre au plus près l’évolution de chacun d’entre eux, en particulier Angèle et Joseph, les deux esprits les plus torturés. Ça rappelle un peu "Les petits mouchoirs" tiens, de Guillaume Canet, dans un autre style.
Mais il manque des choses. Des choses importantes selon moi. D’abord l’accent marseillais, si chantant. Bien sûr les spectateurs bretons, nordistes, alsaciens, ou parisiens pour ne citer qu’eux entendront l’accent du sud. Mais il n’est ici pas suffisamment marqué. Le seul qui parvient à le faire entendre un tant soit peu est Gérard Meylan. Pour vous en rendre compte, replongez-vous dans les œuvres mettant en scène la Provence : des films avec Raimu, ou encore le diptyque "Jean de Florette/Manon des sources". Et les expressions typiquement marseillaises ? Elles sont où ces légendaires expressions marseillaises ? Les termes de « mazette », « peuchère », « oh ! Bonne Mère », « coquin de sort » ne sont absolument pas des légendes ! Elles existent ! Et elles reviennent fréquemment dans les discussions qu’on peut capter ici et là chez tous les marseillais pure souche. Mais pas ici... Et le chant des cigales ? C’est à peine si on l’entend ! Alors que le bruit des cigales est un chant pour certains, pour d’autres c’est un véritable tintamarre assourdissant. Et pourtant, dès lors que ces mystérieuses bestioles chantent, elles y vont à l’unisson et de bon cœur. Le pire est qu’on ne les entend même pas (ou peu) dès lors qu’on s’enfonce dans le maquis par le sentier des contrebandiers.
Vous me direz, au vu de la tenue vestimentaire des personnages, on doit être dans la demi-saison. Alors dans ce cas, nous ne devrions pas entendre les cigales de tout le film ! Le paysage sonore s'est focalisé sur le bruit des moteurs diesels des trains passants plus haut sur ce magnifique viaduc (avec de telles constructions, on comprend mieux pourquoi on appelle ça des ouvrages d’art). Je ne doute pas que le bruit des trains soit assez bruyant, vu l’enclavement produit par ces montagnes de roche, donnant par la même occasion un bel effet de résonance par ailleurs bien reproduit.
Cependant "La villa" offre au spectateur matière à réflexion. Une réflexion sur l’essentiel. N’est-ce pas là le principal, même si tout n’est pas parfait ?

Stephenballade
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le 26 oct. 2021

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