J'ai eu peur que la première scène donne le ton du film. Un anniversaire dans une boite de nuit en plein air où une flopée de corps défraîchis danse sur une mauvaise musique électronique. Tout est laid, tous les personnages ou presque sont caricaturaux. Mais le film joue en fait le contrepied en suivant un chroniqueur mondain romain qui fête ses 65 ans, vivre la médiocrité la vanité la bêtise d'une population qui se prend au sérieux et la rapporter avec beaucoup de lucidité. Certes ce monde a des attraits, une douce idée du vice où même les religieux participent, mais avec l'âge il découvre qu'il en a trop abusé. Il y a perdu son temps, certainement gâché son talent, s'est peut être trahi aussi mais il n'a pas de rancoeur juste un sentiment d'être passé à côté de rencontres simples. De l'amour. De cette belle jeune fille qu'il avait aimé et qui n'a cessé de l'aimer aussi. De cette stripteaseuse qui aurait pu l'aimer. Car ces gens disparaissent. Il vieillit.
C'est un film qui tente d'exprimer le sentiment du temps qui passe et de la bêtise humaine. Pour cela l'acteur principal Toni Servillo sert magnifiquement le propos en pilotant tout ce monde cyniquement. Il traine ses costumes splendides et son oeil rieur et triste dans la faune. Il n'est pas dupe de ce qui l'entoure et qu'il recherche avec gourmandise, ce que l'on voit dans son regard. Il ne se fâche pas non plus des critiques qu'il encaisse avec humour. La morale est absente et comme un homme qui a déjà beaucoup vécu il se passe de la faire sauf quand on la lui demande comme dans cette magnifique scène où une femme de la télé veut lui faire croire qu'elle est engagée politiquement et qu'elle s'implique physiquement dans la lutte.
La réplique décrit la vanité de ceux qui ont un tout petit peu de pouvoir.
« Stefania, tu travailles toute la semaine à la télé, tu sors tous les soirs. Tes enfants ne te voient jamais, même pas pendant tes longues vacances. Tu as, pour être précis, un majordome, un domestique, un cuisinier, un chauffeur qui accompagne tes enfants à l'école, plus trois baby-sitters... Tu as 53 ans et une vie dévastée, comme nous tous. Alors, au lieu de nous faire la morale et de nous regarder avec mépris, tu devrais le faire avec affection. Nous sommes tous au bord du gouffre. Notre seul remède est de nous tenir compagnie et de rire un peu de nous. Non ? »
Papillon de nuit il arpente les rues de Rome surtout au petit matin quand la lumière est belle et la ville est calme. Là où les rencontres les plus variées sont possibles comme celle de Fanny Ardant dans un escalier.
Il y a beaucoup du Roma de Fellini ici dans la variété des mondes côtoyés même si le film tire plus sur le documentaire.
En tout cas que Rome est belle.