Quel magnifique titre que celui-ci. Un titre qui fait rêver de somptueux cauchemars, à la fois poétiques et monstrueux. Le film est-t-il de l’acabit de son appellation? Oui et non. La direction artistique est irréprochable et offre profusion de plans travaillés, plastiquement ahurissants de beauté (le plan aérien du toit de l’immeuble en est l’exemple parfait). Dominique Rocher montre un talent de mise en scène indubitable dès sa première réalisation. Sa maîtrise du cadrage et de l’espace sert parfaitement le scénario qu’il a choisi de porter à l’écran. En outre, il sait instaurer une atmosphère pesante en totale adéquation avec le sujet et la manière dont il utilise le décor de son immeuble haussmanien est en tous points optimale. C’est donc une entière réussite sur le plan formel bien qu’il manque tout de même d’une bonne dose d’angoisse et de tension.
Les tentatives de cinéma de genre à la française sont plutôt rares et c’est donc également un plaisir de voir un cinéaste s’atteler à la réalisation d’un tel projet. « La nuit a dévoré le monde » peut se voir comme le pendant auteuriste de « Seuls » sorti l’an passé, davantage à destination des adolescents. Mais il faut remonter à presque dix ans avec « La Horde » pour trouver un film de zombie hexagonal. Une série B plutôt pêchue et sympathique. Ici, la tonalité est beaucoup plus minimaliste voire épurée, froide. Ce sous-genre de l’horreur est souvent le reflet d’un penchant de nos sociétés ou d’un sous-texte politique et on dénote ici vaguement la peur de l’autre dans le comportement du personnage principal incarné par le norvégien Anders Danielsen Lie, quasiment seul à l’écran durant tout le long-métrage. Quant à l’absence d’explications sur l’épidémie, elle est conforme aux codes du genre qui en comporte beaucoup et que Rocher s’abstient de trop contourner malgré un abord à priori novateur.
Le choix de faire de son film un huis-clos avec un protagoniste devant apprendre à survivre seul est certainement un moyen de contourner l’absence de budget. Cependant, comme souvent dans ce type de procédé, il faut parvenir à garder l’attention du spectateur sur toute la durée d’un film. Et ici, si la première demi-heure accroche, il y a ensuite beaucoup de moments en creux. Au point d’en venir à se demander si un court ou un moyen-métrage n’aurait pas été un format plus adapté bien que la durée de l’œuvre soit assez brève pour éviter l’ennui. Il n’empêche, le scénario fourmille de petites idées même si on compte pas mal d’incohérences notamment comportementales (pourquoi Sam ne consulte pas les informations de son téléphone ou la télé pour comprendre ce qui est arrivé ?). On peut en revanche sans peine affirmer que la reconstitution d’un Paris dévasté par les morts-vivants est très réussie, de l’intérieur de l’immeuble aux quelques coins de rue utilisés. Au final, si on apprécie cet essai de cinéma d’horreur réflexif qui réserve son lot de scènes gores, il reste tout de même trop conceptuel et peu novateur.
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