Premier véritable long métrage pour Greta Gerwig, figure incontournable du cinéma indépendant US, Lady Bird oscille entre mélancolie, drôlerie et autobiographie.


“Ne laisse pas s’envoler trop tes espérances, pour n’avoir pas à ramper comme un ver de terre”, serait le parfait manifeste de la mère de l’autoproclamée Lady Bird. Cette citation, tirée de l’oeuvre capitale de John Steinbeck, Les Raisins de la Colère, chancelle en permanence au dessus du film de Greta Gerwig alors que l’ouverture convoque l’Histoire de la Grande Dépression et de ces centaines de milliers d’américains, venus de l’Est, qui ont rêvé d’un ailleurs, d’un paradis secret, où les dures journées de vendanges sont synonymes de paix, de prospérité et d’égalité. Sur ces dernières lignes, qui referment le périple des années 30, l’émotion aussi fugace que sincère jaillit soudainement avant que le conflit parental ne reprenne violemment ses droits.


Mais pour la jeune Lady Bird, ce traditionnel voyage, pour ne pas dire road trip, doit se réaliser dans le sens inverse, elle qui aspire à quitter cette Californie d’une triste monochromie sur laquelle s’imprime un vide existentiel de moins en moins supportable. Dès lors, défilent les motifs récurrents qui construisent le teen-movie américain ; des amourettes frénétiques, la surdité du dialogue, en passant par le traditionnel bal de promotion, ici détourné.


Ce qui prête à sourire, en creux, dans cette fresque où chacun cherche sa place, sa sexualité, se méfie des institutions, où la guerre d’Irak semble torturer le spectre du Viêt Nam, où le sentiment de ne plus appartenir à une époque domine, c’est assurément d’assister à la multiplication des citations drolatiques des thématiques récurrentes du cinéma outre atlantique, en particulier, les vieux démons hérités des années 70. Et puisque Greta Gerwig est passée chez Noah Baumbach et Mike Mills, notamment, son goût du cinéma indépendant US, parfois irritant, s’affirme dans LADY BIRD.


Mais au dernier instant, la perte de l’enfant prodige est devenue réalité, et comme un palindrome, LADY BIRD termine exactement là où il a démarré, sur cette même note mélancolique. Comme si le rêve, rendu accessible après tant de lutte et de désenchantements, s’était transformé en terrible infortune. Alors, comme chez John Steinbeck, c’est en avançant avec le regard élancé devant soi, avec comme seul ami, l’espoir de s’en sortir, que l’histoire finira par se ranger de notre côté. S’agissant de Greta Gerwig, on en connaît la suite, bienheureuse.


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le 3 mars 2018

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