Dans J’ai tué ma mère, le premier film de Dolan, on sentait l’éclosion d’un jeune mec assez talentueux, avec des trucs à dire, sur lui, la relation à la mère, la question de la sexualité et comment l’assumer,… C’était un geste plein de fougue, de fureur, d’envie, de sensibilité, constamment à fleur de peau. Un truc drôle, touchant et énervant. Mais déjà, par toutes petites touches, il se laissait aller à des élans de mise en scène Wong Kar waienne qui ne paraissaient pas avoir leur place dans le film.
Les amours imaginaires confirmait cette crainte. Plutôt que de freiner, de poser sa mise en scène, il allait au contraire faire l’inverse en amplifiant cet aspect. En lissant l’image, stylisant le cadre, multipliant les effets de mise en scène. C’était bizarre, d’un côté on pouvait trouver ça super agaçant, poseur, prétentieux, mais de l’autre tout ce pataquès faisait sens. Dolan exposant une idée de la jeunesse, travaillant la question de l’apparence, jouant sur le spleen de façon ironique,… tout en continuant sur un thème plus profond, jamais exposé frontalement et maquillé avec tous son décorum too-much, la peur d’aimer et d’être aimer tout en tentant de rester soi-même.
Ses questions parcourent son dernier film, ressassées pendant 2h40, le film n’étant fait que de boucles, de ruptures, de retrouvailles. Laurence aime Fred sa compagne, Fred aime Laurence. Mais Laurence n’est pas celui qu’il aimerait être. Dans sa tête Laurence est une femme, et il ne pourra s’épanouir pleinement dans sa vie qu’en extériorisant cette femme qu’il a toujours enfoui en lui, quitte à mettre son couple en danger, et à voir partir l’être aimé. Faut-il vivre dans la peau d’un autre pour garder tout ce qui a autour, ou faut-il rester soi-même avec le danger de tout voir son entourage disparaitre. Laurence Anyways est une histoire d’amour impossible, un long mélo qui se déroule sur plusieurs années, dans lequel Dolan met tout et aussi un peu n’importe quoi. L’amour, la peur du regard extérieur, la relation à la mère, l’homosexualité, le besoin d’assumer sa personnalité, Laurence Anyways est la parfaite continuité de ses 2 films précédents.
Le problème number 1, c’est que ce film-là, Dolan semble l’avoir conçu comme le film de la maturité, de la gravité, et ça se voit à l’écran, trop, exit donc la légèreté adolescente et l’humour sous-jacent et parsemé qu’il y avait jusqu’à présent. Les situations sont parfois assenées, les larmes sont surjouées (suivant le principe de la surenchère Dolannienne), les acteurs plissent les sourcils. Le problème number 2, c’est que contrairement aux Amours imaginaires, ici le style de mise en scène ne se prête pas vraiment au sujet et étouffe tout le reste, réduisant le contenu à un truc minuscule. Il en fait trop, c’est too-much, et donne la sensation d’un tout ça pour ça.
Et pourtant, au-delà de ça il y a des choses, des idées intéressantes. Dolan tente beaucoup et balance tellement d’idées dans le cadre (qui sature) que parfois certaines sortent du lot. Il faut trier, beaucoup. Parfois même au sein d’un même plan, il va passer d’une idée très belle (un dialogue, un regard, un geste) à un truc super mauvais goût. On pense d’un truc ultra agaçant a quelque chose de fascinant en 2 mouvements, c’est assez étonnant.
Bref, je pensais que j’allais pouvoir trancher avec son troisième film, c’est impossible. Je ne sais toujours pas quoi réellement penser de ce mec. Son cinéma m’énerve, et pourtant je lui trouve un intérêt.
Teklow13
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le 23 juil. 2012

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Teklow13

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