Conversation de salon ou art de la rhétorique ?

En regardant le beau mariage, je me suis rappelé à mes premières impressions (il y a de cela une quinzaine d’années) suscitées par le cinéma de Rohmer : lassitude ponctuelle face à certaines réflexions, intéressantes par ailleurs, mais artificiellement amenées, trop facilement débitées, sonnant faux et trop méditées pour sembler naturelles ; défiance entraînée par la théâtralité de certaines scènes et acteurs, ces derniers d’ailleurs souvent issus du théâtre; dégoût provoqué par ces quelques conversations amoureuses féminines de feuilletons télé (du style : Jean-Louis qui aime Mathilde qui est mariée avec Bertrand qui trompe sa femme avec Bernadette qui est la sœur de Justine qui elle va se marier avec le boucher etc etc jusqu’à l’écœurement) ; agacement causé par ces entremetteuses qui n’ont rien d’autre à foutre de leur vie ; enfin et surtout, grosse envie de fermer le clapet à ces insupportables hystériques et de les ligoter quelques heures dans la garde-robe, le temps qu’elles se calment un peu.


Pas grand-chose n’a changé depuis, semble-t-il.


Bon, ce n’est pas tout à fait vrai. Il a fallu apprendre depuis lors à voir l’autre côté des choses. Rohmer, sans un denier ou presque, bien calé sur un scénario d’une apparente simplicité mais à la complexité naturelle avec ces récits qui coulent de source, sans s’encombrer de vedettes confirmées, trop faciles garantes de succès, mais avec des personnages bien bâtis, sait tourner un film qui tient la route, qui nous intrigue, nous emmène insidieusement d’un lieu à un autre avant de nous ramener vers le point de départ, toujours maître de son sujet, de sa forme et de son verbe généreux (donnant parfois naissance à des tirades géniales, comme celle de Dussolier dans son cabinet d’avocat), prenant le pouls sociologique, psychologique et, dans une moindre mesure, esthétique de son époque.


Une conversation de salon, diront certains, entre langue de boudoir, discours pompeux et réflexion vaine et stérile ou, diront d’autres, un art de la rhétorique, entre liberté déclamatoire, joutes verbales et pouvoir séducteur et trompeur des mots.

Marlon_B
7
Écrit par

Créée

le 25 mars 2021

Critique lue 60 fois

Marlon_B

Écrit par

Critique lue 60 fois

D'autres avis sur Le Beau Mariage

Le Beau Mariage
JanosValuska
7

Se laisser guider par ses impulsions.

Encore un Rohmer que l'on pourrait à brûle-pourpoint qualifier de mineur alors qu'il a une importance évidente dans la filmographie du cinéaste tant il semble être un traité sur le détournement des...

le 20 mars 2014

12 j'aime

Le Beau Mariage
Tanguydbd
9

Critique de Le Beau Mariage par Tanguydbd

Le Beau Mariage fait partie de ces excellents Rohmer insoupçonnés. Situé entre La Femme de l’Aviateur et Pauline à la plage dans sa filmographie, il synthétise la construction diététique du premier...

le 26 juil. 2014

8 j'aime

Le Beau Mariage
EricDebarnot
7

Le mariage de mon amie

"Le Beau Mariage" a un gros défaut : celui d'être un film un peu moyen logé au milieu de la collection de petites merveilles qu'est la série des "Contes et Proverbes". C'est d'ailleurs peut-être...

le 4 sept. 2017

4 j'aime

Du même critique

Call Me by Your Name
Marlon_B
5

Statue grecque bipède

Reconnaissons d'abord le mérite de Luca Guadagnino qui réussit à créer une ambiance - ce qui n'est pas aussi aisé qu'il ne le paraît - faite de nonchalance estivale, de moiteur sensuelle des corps et...

le 17 janv. 2018

30 j'aime

1

Lady Bird
Marlon_B
5

Girly, cheesy mais indie

Comédie romantique de ciné indé, au ton décalé, assez girly, un peu cheesy, pour grands enfants plutôt que pour adultes, bien américaine, séduisante grâce à ses acteurs (Saoirse Ronan est très...

le 17 janv. 2018

26 j'aime

2

Vitalina Varela
Marlon_B
4

Expérimental

Pedro Costa soulève l'éternel débat artistique opposant les précurseurs de la forme pure, esthètes radicaux comme purent l'être à titre d'exemple Mallarmé en poésie, Mondrian en peinture, Schönberg...

le 25 mars 2020

11 j'aime

11