Le guide pour devenir potiche embourgeoisée

On est en droit de se demander qui ces poupées du troisième âge sont censées représenter, tant le film s’efforce d’en gommer les aspérités donc les preuves de leur humanité. Richissimes, oisives, liftées, les quatre mamies pensent porter les revendications libertaires de toute une classe d’âge injustement privée de leur droit au plaisir. En ce sens, Le Book Club s’inscrit dans ce genre très particulier, et tout récent : le film de stars vieillissantes. Le cinéma en viatique, pourquoi pas. Les pépés voleurs de banques sont à la mode, pourquoi pas les mémés sous perfusion Christian Grey ? Pour la simple et bonne raison que la démarche adoptée par Le Book Club prône un reniement de soi au profit de la médiocrité actuelle, sans prise aucune avec la sagesse acquise tout au long d’une vie. L’héritage culturel, idéologique, sexuel (si l’on y tient) est évacué au profit d’une dénaturation 2.0 de la femme mûre américaine qui force les modèles en vogue aujourd’hui pour s’y conformer, telle une vulgaire copie. Le quatuor ne dispose d’aucune véritable profondeur exception faite de la fréquence et de la forme de leurs ébats : pas d’histoire personnelle, pas d’expérience individuelle. La femme est, ici, interchangeable, à l’image des livres qu’elles font circuler. Surtout, le film repose sur une hypocrisie assez dégoûtante : proclamer la liberté de la vieillesse tout en veillant à l’enfermer dans sa classe d’âge et dans sa caste. La femme au foyer est devenue grand-mère au foyer, et les hommes qu’elle fréquente partagent son âge, son statut social, sa vision des choses. L’homogamie avant tout ! Côté mise en scène, c’est Les Feux de l’amour : une lumière extra-lumineuse enveloppe le film d’une texture très étrange, à mi-chemin entre le voile et la crème antirides. Tout est fait pour lisser, peaufiner, normaliser. Le Book Club, publicité pour un institut de beauté hors de prix où, en guise de journaux dans la salle d’attente, sont offerts à la lecture les trois tomes de la saga Fifty Shades. On prend ses jambes à son coup et on sort ! Dans l’espoir de vieillir pour, ainsi, ne jamais ressembler aux porcelaines hideuses de ce film.

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le 1 avr. 2019

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