Entre son titre et son décor, Le Brio avait de quoi titiller ma nostalgie.
A l’époque du seul tube du groupe “le brio”, j’étais loin d’imaginer qu’un jour je foulerai l’austère hall d’une université parisienne, et encore moins que j’y retournerai 15 ans plus tard par le truchement d’un film.


Ce qui aurait pu être de charmants clin d’œil à mon passé étudiant est aussi le caillou dans ma chaussure: la difficulté quand on voit un sujet qu’on maîtrise (huhu parler de maîtrise dans une fac c’est pas beau?) un minimum, c’est d’arriver à accepter des approximations: des profs dont on n’arrive jamais à saisir la matière enseignée, des contrôles à l’entrée plus souples en période post attentats qu’auparavant, une géométrie dans l’espace repensée... une foule de détails qui titillent un peu la vieille que je deviens (sans parler des défaillances de ma mémoire, c’est qu’en 15 ans j’ai eu le temps d’oublier pas mal de détails de ma vie de jeune).


Pourtant le portrait du prof pédant et tyrannique n’est pas si mauvais, on en a croisé assez pour connaître la supériorité affichée de ceux qui se targuent d’enseigner dans une université “prestigieuse”.
Sauf qu’on semble s’arrêter à cette facette du personnage et peiner à en sortir: on n’arrive jamais à le cerner et on ne s’en approche pas vraiment. Il a beau ressembler à un tas de profs croisés à droite ou à gauche (mais plus souvent à droite quand même), il n’a pas l’air réel, il lui manque quelques scènes pour exister.


Mais plus encore que le personnage, ce sont les dialogues qui pêchent: c’est comme s’il manquait quelque chose pour donner un ensemble cohérent. Il y a peu de répliques qui épatent réellement, et c’est comme si certains dialogues étaient forcés, comme si le personnage joué par Daniel Auteil n’arrivait pas à garder le même niveau de langage d’une scène à l’autre.


Qu’on sente cette évolution à la fin, au contact de son élève, d’accord mais dès le début ça sonne comme un manque d’harmonie.
Cette déception sur les dialogues s’étend aussi au concours d’éloquence proprement dit.
Heureusement, on nous montre peu de duels - ce qui aurait pu alourdir le film -, mais ceux auxquels on assiste manquent de panache et de maîtrise de la langue.
Ca n’épate pas autant que ça le devrait.


Pour un film sur l’éloquence, pêcher sur les dialogues est un comble.
Mais c’est peut-être justement en raison de son thème qu’on est attentif à l’écriture.


Reste que tout n’est pas mauvais: les acteurs sont corrects et quelques passages sont réalistes (le seul passage de cours crédible est la courte incursion en droit constitutionnel - et pour le coup c’est un vrai cours de débutant, de ceux qu’on retient toute sa vie).
Même si on connait l’issue dès le début, on apprécie de suivre le parcours de la courageuse fille de banlieue. Ce qui est assez bien utilisé, c’est la vie de banlieue qui n’est ni violente ni misérabiliste, et qui voit des jeunes jouer au loup garou. On évite quelques clichés de ce côté et ça fait du bien.


Le moment n’est pas si mauvais, mais on est loin de ce qu’on aurait aimé trouver.
La seule chose que le film est venu confirmer, c’est qu’on va plus loin quand on arrive à manipuler son auditoire, et qu’on manipule mieux en se présentant bien et en parlant bien.
Peu importe les idées qu’on a, savoir manipuler un auditoire est un art à part entière.
Quelle révélation!
Si seulement j’avais su ça plus tôt….
Je vous laisse je vais apprendre à parler et changer de garde robe.

iori
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le 11 déc. 2017

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iori

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