Le bûcher des vanités est une farce grinçante sur la société new-yorkaise, la coupure entre WASP de Wall street et le Bronx, et une critique virulente du populisme. Les personnages sont outrés, caricaturaux, et plutôt drôle. Le but pour chaque acteur (sauf le triste Morgan Freeman, qui endosse encore une fois le rôle du dispensateur de morale) est d'en faire des tonnes.
Sherman, un trader, roule un jour avec sa maîtresse jusqu'au Bronx. Arrêté par un pneu, il sort de sa voiture, mais deux grands blacks l'encadrent. Sa maîtresse, Maria, prend le volant, renverse un des mecs, qui sombre peu après dans le coma. Un révérend noir, Bacon, en cheville avec l'ennemi du maire pour les prochaines élections, monte en épingle ce fait divers pour exciter les communautés pauvres. Les enquêteurs, dirigés par l'attorney Jed Kramer, retrouvent vite Sherman. La vie de ce dernier bascule : exposition devant les médias, sitting devant sa maison, licenciement... Lui-même fait une crise de nerf et sort les parasites de sa femme de chez lui à coup de fusil. Peter Fallow, le journaliste qui a braqué les projecteurs sur lui, par mauvaise conscience, enquête et tombe sur un enregistrement dans lequel Maria admet avoir été au volant. Au procès, alors que Maria témoigne à charge contre lui, Sherman jure que cet enregistrement lui appartient et sauve sa tête par ce mensonge (avec la bénédiction de son père). Le juge (Freeman) fait une tirade sur la "decency" (un concept dure à traduire en français, disons "intégrité") et le film se finit sur Fallow triomphant devant le parterre avec un livre sur l'affaire.
Ce film, c'est avant tout une galerie de personnages outrés au possible. De la femme de Sherman, Kim Catrall, complétement obsédée par la normalité sociale ("I can forgive anything, but not television") en passant par le maire, populiste en diable (excellent F. Murray Abraham, au regard pétillant), le pasteur pourri, l'attorney aux yeux de cocker et au sourire de fouine (Saul Rubinek, mémorable). Il n'y a que Mélanie Griffith qui m'a un peu exaspéré dans son rôle de poule de luxe nymphomane. Ne serait-ce que le plan-séquence du début, où l'on suit Bruce Willis en romancier acclamé passer dans les coulisses, boire du whisky et trousser des jeunes filles ou déguster au vol du saumon, on sait que l'on est dans la satire.
De ce film, je retiens surtout la tirade de Catrall sur les "petites miettes" qui diminue le métier de trader de son mari et l'histoire raciste d'Arthur Ruskin sur les Arabes qui prennent pour la première fois l'avion.
Le film est immoral (le héros, pas un ange, s'en tire par un mensonge, et le mot de la fin appartient à ce pourri de Fallow), mais c'est mieux comme ça. La vision du Bronx est caricaturale (un défilé de bagnoles qui brûlent, des rues encombrées de maquereaux), mais comme d'hab', je pardonne beaucoup à De Palma. Ses mouvements de grues sont si fluides, et certes, il fait du cinéma avant de dépeindre la réalité, mais il ne prétend pas le contraire.
Et c'est étrange, j'avais déjà vu ce film mais je ne retrouve pas la critique que j'en ai faite, mais enfin, ça ne devait pas être bien différent. Ce n'est pas un chef d'oeuvre, mais j'aime bien les satires mordantes.