Clint the legend
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En grande forme le père Clint, qui continue de portraiturer l’ambiguïté de la figure héroïque par le prisme du fait divers. Après Chris Kyle (American sniper), Sully Sullenberger (Sully) et les trois américains du Thalys (Le 15h17 pour Paris) c’est au tour de Richard Jewell d’être ce héros ordinaire pas comme les autres, cet « anti-héros » pourrait-on même dire.
Le soir du concert tenu dans le Parc du Centenaire à Atlanta en juillet 1996, pendant les jeux olympiques d’été, Jewell, un agent de sécurité zélé, obèse et simple d’esprit, qui se rêvait flic, découvre un sac abandonné sous un banc, prévient du danger tout en évitant la panique générale. Le sac contenait bien une bombe, qui explosera mais fera nettement moins de victimes que si Jewell n’avait rien vu.
Erigé héros ayant empêché une attaque terroriste, Jewell sait juste qu’il a fait son boulot. Trois jours plus tard, il est suspect numéro un, sur la base de son histoire, de sa solitude, du fait qu’il vive encore chez maman et d’une ressemblance avec un lancement d’alerte similaire en 1984 qui avait été faite par le terroriste lui-même. Jewell est déclaré poseur de bombe parce qu’il est la seule piste du FBI relayée par une presse opportuniste. De héros du peuple, il devient martyr des médias.
Il faut signaler qu’Eastwood ne joue jamais la carte du suspense. Jewell fut innocenté, alors il le traite d’emblée en innocent. Lui n’évoluera pas, il restera le même du début à la fin du film, occasionnant des moments embarrassants où comme son avocat on voudrait qu’il se bouge et comprenne que ce qu’il chérit est devenu son ennemi ; et des scènes parfois drôles comme lorsqu’il étale fièrement son arsenal d’armes sur son lit puis aide les flics pendant la perquisition, tout simplement parce qu’il est comme ça, flic dans l’âme.
En revanche, tous les personnages autour de lui sont en évolution permanente, comme si Jewell leur permettait par lui-seul, son comportement, son histoire et l’injustice subie, de comprendre qu’il y a de l’humain derrière des ambitions et des métiers, qu’on soit flic, journaliste ou avocat. La prise de conscience de la journaliste forcenée est un peu grossière, on sent que Clint ne sait pas gérer cette étape du récit, lui préférant le rapport plus intime entre Jewell et sa maman, par exemple.
Mais d’un autre côté il y a donc ce pauvre type, avec ses principes, son amour des forces de l’ordre. Croyances qu’une telle somme d’évènements traumatisant ne viendra même pas perturber : Il sera flic, jusqu’à son arrêt cardiaque, dix ans plus tard. Et c’est aussi là que la figure du héros vu par Eastwood aujourd’hui fascine tant : Dans son podcast « la gêne occasionnée » Begaudeau en parle bien, le héros eastwoodien est courageux mais aussi un peu con, ou plutôt courageux parce qu’il est con – Et c’est aussi ce qui le fait tenir. Et cette anomalie, qui fonctionne d’ailleurs avec chacun des « héros » de ses derniers films (les mecs du Thalys les premiers, car faut quand même être un peu con pour se jeter sur un type tenant une Kalachnikov) est assez fascinante et tellement loin des standards.
Bref, le film est absolument passionnant, brille par son classicisme souverain, la distance avec laquelle il traite chaque situation et les comédiens sont magnifiques : Olivia Wilde, Sam Rockwell, Kathy Bates, Jon Hamm, et bien entendu Paul Walter Hauser.
Créée
le 9 févr. 2021
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