Have mercy upon me! Blot out my transgressions! Purge me with hyssop!

Que dire Que dire ? Que je l’aime ce film ! Je peux cependant aussi comprendre que ça ne fonctionne pas chez tout le monde, c’est le genre de film qu’on adore ou que l’on déteste mais aussi le genre de film qui ne peut laisser indifférent.


L’histoire de «Le Cuisinier, le Voleur, sa femme et son amant» est on ne peut plus simple et apparait d’ailleurs secondaire. Tout est déjà dans son titre et on imagine assez rapidement le dénouement. C’est évidemment voulu puisque ça n’est pas là ou Greenaway veux nous amener. Les dialogues sont souvent absurdes et remplis d’humour noir et de seconds degrés. Tout, de toute façon, dans ce film est à prendre au second degré (jusqu’à l’accent Français complétement ridicule et exagéré de Richard Bohringer)…


Le film est avant tout une fable fantasmagorique et absurde pour adulte teintée de vaudeville. Le vaudeville avec son triangle amoureux et la fable avec son ogre répugnant, violent et vulgaire prêt à tout dévorer (le physique et charisme de Michael Gambon qui joue le voleur Mr Spica n’est évidemment pas anodin). L’ogre est une métaphore sur les excès de la société de consommation. Avec ce thème et la nourriture omniprésente, on pense évidemment a «La grande bouffe», les 2 films ont d’ailleurs souvent été comparés même si l’œuvre de Ferreri est beaucoup plus anarchiste dans le fond comme dans la forme et le traitement complétement différent. La quantité gigantesque de nourriture à l’intérieur, celle qui pourri a l’extérieur, les chiens errants, l’ambiance glaçante des frigos, a l’image d’un monde qui s’écroule ou sur le point de s’écrouler, la passion naissante, totalement incontrôlable et la aussi dévorante entre les 2 amants (au demeurant sublimement jouée et filmée, un bonheur pour les yeux), leur scène d'amour au milieu des livres dans ce décors totalement kafkaïen, tout n’est que métaphore dans ce film. C’est totalement déconcertant et surréaliste. Les décors évidemment font beaucoup. Quelque part ça m’a fait penser à Dogville de Von Trier dans son approche théâtrale ou les décors au final se séparent de l’histoire, même si bien sûr dans le film de Von Trier le parti pris c’était le minimalisme alors que là on est dans l’extravagance totalle et radicale, mais le but au final est similaire avec les mêmes effets sur le spectateur.


Visuellement c’est de toute beauté, impeccable, méticuleux, millimétré même. La réalisation baroque et outrancière ne peut laisser indifférent. Peu de films, atteignent un tel degré de perfection visuelle. Greenaway avant d’être réalisateur, était peintre et cela a son importance tant les scènes se déplient devant nos yeux, tels des tableaux en mouvement qui s’enchaînent grâce a une musique envoutante et aux chants d’opéra lyrique de ce garçon, au départ plus que déconcertants d'ailleurs, tel un ange qui nous prévient du pire à venir ou plus largement nous met en garde contre nos propres péchés : «Have mercy upon me, blot out my transgressions, purge me with hyssop». Les tableaux s’enchaînent aussi et surtout grâce aux magnifiques travellings hypnotiques dignes d’un Kubrick (d’ailleurs tout le film respire Kubrick a bien des égards, n’ayons pas peur de la comparaison) et aux couleurs chatoyantes des decors et lumières. On pourrait faire un arrêt sur image sur n’importe quelle scène et l’encadrer en tableau tellement c’est magnifique (Jusqu’au blanc immaculé et ses scènes sublimes des toilettes, c’est dire !).


Pour le point négatif, s’il faille en trouver un, je trouve que le film a un peu vieilli. En fait je ne sais pas si c’est moi qui aie vieilli ou si tout simplement la société a aussi beaucoup changée depuis la sortie de ce film. La dernière fois que je l’ai vu (et c’était il y a longtemps), il m’apparaissait beaucoup plus dérangeant et violent qu’aujourd’hui. Mais je pense que de nos jours, on voit un peu l’horreur au quotidien (fictions ou réalité d’ailleurs) et donc en ce sens ce film devient beaucoup moins virulent. Il faut évidemment le remettre dans son contexte et époque.


Malgré cela, ce fut un bonheur de le revoir, c’est incontestablement un grand film, unique, inclassable, magistrale et sans aucun doute l’un des meilleurs films des années 80.

ChrisyShalala
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le 1 août 2018

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Chrisy Shalala

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