« Gun Crazy » est typiquement de ces films qui ont fait de leur manque de moyens un atout cinématographique. Là où les grands studios auraient mis le paquet sur une séquence de braquage en la filmant sous plusieurs axes et valeurs de plans, Lewis se contente de la tourner entièrement de l’intérieur d’une voiture et quasiment en un seul plan... Ce qui aurait pu apparaître comme un handicap, nous immerge en réalité au cœur de l'action. Lewis contourne ainsi les multiples contraintes qui sont les siennes par de nombreux plans séquence, des vues en décors réel et des ellipses de montage. Au final, il rend son film bien plus nerveux et moderne que beaucoup de productions prestigieuses de l'époque !


Esthétiquement audacieux, le film mêle le quasi documentaire avec une photographie très travaillée de l’excellent Russel Harlan, parfois expressionniste voire même japonisante (surtout vers la fin). Ces différents styles servent étonnement bien le récit du premier au dernier plan, donnant à l’ensemble une profondeur assez inattendue. L’utilisation fréquente du très gros plan est, par ailleurs, assez jouissive !


La mise en scène est aussi portée par des comédiens absolument formidables. Peggy Cummins et John Dall apportent une énergie et une tension qui dépotent ! Dès leur première rencontre à l’écran, on sait que ce couple de cinéma va faire des étincelles. Peggy Cummins incarne une femme forte et totalement décomplexée prête à tout pour vivre et aimer avec rage et passion. Là aussi on sent que la nature du tournage a pu influencer sa façon de jouer vers plus de spontanéité et de réalisme.


En face, John Dall est étonnant. Au départ, son physique banal d’américain moyen peut décontenancer. En réalité, il dégage une force tranquille, une aisance et un charisme certain. Il fait de Bart Tare un personnage complexe, à la fois fougueux, sensible, torturé et sous influence d’une compagne castratrice.


« Gun Crazy » fait clairement partie de ces films mythiques qui ont servi de mètre étalon à des cinéastes ultérieurs. Le couple John Dall - Peggy Cummins (son béret et son chandail !) paraît aussi inoubliable que ne le sont Warren Beatty et Faye Dunaway dans « Bonnie & Clyde » ou Martin Sheen et Sissy Spacek dans « Badlands ». Bref, à ne pas manquer !

jjpold
8
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le 13 nov. 2020

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jjpold

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