Japon, 1876. Le capitaine Nathan Algren (Tom Cruise), de l’armée américaine, est appelé au Japon pour apprendre leur métier aux soldats de l’armée japonaise, qui se prépare à mater la rébellion de Katsumoto (Ken Watanabe) et de ses samouraïs. Mais ces derniers capturent Algren qui, à leur contact, découvre une nouvelle manière de se battre et d’envisager le combat…


Que l’on me pardonne, mais je n’ai jamais ressenti cette admiration sans bornes qu’on me permettra de trouver quelque peu exagérée, sinon déplacée, pour le Japon et sa culture qui, quoi qu'on veuille penser, n'est guère qu'une culture parmi d'autres, avec ses grandeurs mais aussi ses bassesses.
Il faut toutefois reconnaître que le Japon des samouraïs porte en lui une certaine noblesse, une noblesse que l’on a tout-à-fait perdue aujourd’hui, à une époque de décadence intellectuelle et morale plus qu’avancée (décadence dont les Japonais ne sont pas plus exempts que nous, ce qui, finalement, conserve la balle au centre). C’est peut-être justement ce vide à combler qui fait que bon nombre de nos contemporains occidentaux se sentent irrémédiablement attirés par la culture des samouraïs, ignorant probablement que notre histoire de France est tout aussi pleine de grandes figures aux actions aussi héroïques et aux motivations tout aussi nobles que les héros (certes bien réels) que l’histoire japonaise nous donne à voir.
Le problème n’est pas nécessairement cette attirance sans recul vers une culture qui, sous prétexte qu’elle est étrangère et spirituelle sans être religieuse (distinction fondamentale pour trouver grâce aux yeux de notre culture actuelle antireligieuse), est censée être supérieure en tous points à la nôtre, c’est précisément le fait qu’on veuille y voir tout ce qu’on refuse de voir dans notre histoire alors même que toutes ces choses qu’on exalte chez les autres y sont tout aussi présentes, créant une dialectique qui n’a pas lieu d’être entre deux stéréotypes : l’homme blanc cruel et dominateur face à l’homme oriental noble, sage et désintéressé.
C’est malheureusement dans cette dialectique que rentre à corps perdu le film d’Edward Zwick, avec quelques nuances trop minimes pour être notables, tant le degré de sympathie que l’on est censé porter aux Japonais ou aux Occidentaux est inversement proportionnel à leur proximité avec la culture occidentale…
Pour autant, si l’on est prêt à faire une croix sur la pertinence du fond, on pourra largement trouver de quoi nous bercer, au moins sur le strict plan formel, dans le film de Zwick. Il faut dire que son film, que ce soit par la rigueur d’écriture de John Logan, par la beauté visuelle des images de John Toll ou par l’ampleur de la bande-originale d’Hans Zimmer, porte en lui une puissance romanesque parfaitement séduisante pour ceux qui aiment les grands récits d’aventures.
Les uns se laisseront porter par les courtes scènes intimistes qui construisent intelligemment les personnages, les autres préféreront s’emballer face à des scènes de combat grandioses et épiques, mais tous pourront s’extasier unanimement (enfin, on l’espère) devant la prestation comme toujours magnétique d’un Tom Cruise en grande forme, qui se trouve un adjoint de taille en la personne de Ken Watanabe. A eux deux, les acteurs portent leur rôle à bout de bras pour le hisser vers la grande performance d’acteur, celle qui s’inscrit durablement dans la mémoire. Grâce à leur jeu, d’une discrétion et d’une humanité qui confine par moments au sublime, les deux acteurs parviennent sans problèmes à faire oublier tous les clichés mentionnés ci-dessus pour ne plus nous faire voir dans ce film, anticipant un brillant Hostiles qui traitera du même sujet dans un contexte différent, que l’histoire de deux hommes que tout oppose et qui apprennent à s’estimer l’un et l’autre en découvrant que la ténacité et le courage peuvent revêtir des formes bien différentes mais se réunir derrière un idéal commun.
Et c’est par cette leçon pleine de grandeur qu’un film qui avait commencé comme une fable pesante sur le choc des cultures s’achève en apothéose, comme un grand film de guerre.

Tonto
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le 15 nov. 2018

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