Après plusieurs mois passés durant lesquels les affiches des cinémas orphelines prenaient la poussière sur les avenues, mon retour dans les salles obscures s’est avéré des plus surprenants (du moins, à mon échelle).


Accompagné de mon fidèle acolyte avec lequel je partage mes virées cinématographiques depuis quelques années maintenant, nous avons décidé d’ouvrir les festivités (qui, je l’espère, sont parties pour durée) avec Le Dernier Voyage de Romain Quirot qui nous sert, avec cette première entrée en matière, un film de science-fiction melting-pot qui emprunte tantôt à des œuvres cultes (Star Wars, Terminator ou même No Country for Old Man) tantôt à des productions plus récentes telles que Fury Road, Another Earth et Logan.


Certes, le film ne brille pas pour ses idées novatrices mais il n’en demeure pas moins un coup d’essai qui ose et qui est suffisamment prenant pour être réjouissant, bien qu’un manque d’aboutissement patent puisse se ressentir sur le fond, la science-fiction servant ici de prisme pour traiter de la thématique du deuil, notamment avec une résolution bien trop simple et maladroitement exécutée. Qui plus est, Le Dernier Voyage profite d’un casting qui s’en sort très convenablement, une mention spéciale devant être attribuée aux plus jeunes acteurs (Lya Oussadit-Lessert en tête) et à Paul Hamy (et son sourire au combien perturbant qui ne semble pourtant pas résulter d’un effort particulier). En outre, l’univers post apocalyptique, bien qu’il procure une impression générale de déjà vu, arrive à immerger le spectateur avec peu de choses.


Mais si je me suis attelé à la rédaction du présent papier, ce n’est pas tant pour parler du film, qui m’a, dans l’ensemble, convaincu, mais de la séance en elle-même.


D’emblée, celle-ci commençait sous les meilleurs auspices avec une première partie au cours de laquelle les bandes annonces et autres publicités ont été réduites à de piètres expériences sonores, la régie ayant rencontré des inconvénients d’ordre technique empêchant la projection de l’image sur l’écran et conduisant à un report du lancement du film de trente minutes (mon comparse a été jusqu’à reprendre à son compte une réplique de Jeff Goldblum dans Jurassic Park, donnant quelque chose du genre « est-ce que vous avez un film dans votre salle de cinéma ? », pour avertir (et, accessoirement, charmer) une membre du personnel de l’UGC). Durant ce laps ce temps, j’avoue être allé jusqu’à me demander si je n’avais pas commis une erreur en choisissant le premier film de Romain Quirot pour mes retrouvailles avec le grand écran (ma curiosité avait été piquée par la bande annonce mais, pour être tout à fait franc, il ne s’agissait pas, à mes yeux, d’une valeur complètement sûre et je ne me sentais pas à l’abri d’une mauvaise surprise) et que ce contretemps était un signe du grand Manitou pour m’en informer.


Pourtant, comme par un tour de passe-passe, la donne s’est inversée dès lors que Couleur menthe à l'eau d’Eddy Mitchel, qui accompagne une séquence se déroulant dans un diner, m’est parvenue aux oreilles, ce qui a eu pour conséquence d’étirer un large sourire sous mon masque et d’échanger un regard complice avec mon partenaire de séance, les paroles de ladite chanson ponctuant fréquemment nos conversations depuis plusieurs semaines. Pire encore, durant cette même séquence, une gelée anglaise a fait immersion sur le comptoir de la patronne comme un écho à la conversation que nous venions d’avoir une heure plus tôt au cours de laquelle je me suis souvenu d’un exposé réalisé en cours d’anglais au collège et pour lequel j’avais amené un véritable Flubber vert comestible en classe (il ne s’agit pas de l’anecdote que je raconte tous les quatre matins, cela va sans dire) à la vue de la mousse compacte du cappuccino qui tremblait au vent lorsque le serveur nous a apporté nos cafés en terrasse à proximité d’un comics store à l’entrée duquel se tenait un clone de la prélogie de Star Wars que l’on s’apprêtait à retrouver dans une version cyberpunk, tout droit sorti du jeu vidéo Destiny.


Rebelotte avec le plan du navire en plein désert qui nous a instantanément rappelé la séquence Rencontre du Troisième Type sur laquelle nous avons brièvement (mais précisément) échangé en sirotant nos boissons lorsque j’ai évoqué ma récente découverte du film de Spielberg. Enfin, et c’est la cerise sur le gâteau, alors que nous traversions la passerelle de Simone-de-Beauvoir après la séance pour aller se rassasier comme il se doit, nous nous sommes retrouvés face au Batofar, une péniche dotée d’un phare semblable à celui des flash back retraçant l’enfance de Paul W.R..


Bref, tous les morceaux se sont recollés et le plus fort réside dans le fait que rien de tout cela ne serait arrivé si nous étions allés, comme à notre habitude, au MK2 de la BNF, qui était, ce soir là, complet !


Avec le recul, je réalise à quel point ces petits détails peuvent sembler anecdotiques d’un point de vue extérieur mais l’enchaînement de ces coïncidences a conféré à cette séance un caractère pour le moins particulier : Le Dernier Voyage fut, me concernant, la première séance de l’année 2021. La première séance marquant un pseudo retour à la vie normale. La première séance au cours de laquelle l’idée que l’univers n’était pas complètement indifférent et qu’il lui arrivait de se manifester de la plus curieuse des façons ne paraissait pas si inconcevable.


Se pourrait-il, au contraire, que tout cela soit tiré par les cheveux et insignifiant ? Très certainement ! Ce qui est sûr en revanche c’est que l’expérience cinéma m’avait manqué et que Le Dernier Voyage a su être à la hauteur du rendez-vous malgré ses défauts ! 6/10 !

vic-cobb

Écrit par

Critique lue 224 fois

5

D'autres avis sur Le Dernier Voyage

Le Dernier Voyage
lhomme-grenouille
6

Soupe primordiale

On sait. Quand on va voir ce spectacle – forcément – on sait. Moi, en tout cas, je savais. Sitôt j’ai constaté que ce film était à la fois français et à la fois de science-fiction, j’ai su. Et voir...

le 20 mai 2021

22 j'aime

6

Le Dernier Voyage
Behind_the_Mask
7

Profondo rosso

Faut pas le prendre par les sentiments, le masqué. Car il est évident qu'un film qui lâche dans ses trois premières minutes Cambodia de Kim Wilde ne peut pas être mauvais... Mais le reste de...

le 5 juin 2021

19 j'aime

Le Dernier Voyage
gruute
7

El(ma) et lui

Après Mandibules mercredi dernier, voilà que je vais voir un 2e film français au ciné en 1 semaine : de mémoire de moi, ça n'était jamais arrivé ! Il aura fallu une pandémie mondiale et un arrêt des...

le 25 mai 2021

17 j'aime

1

Du même critique

Stranger Things
vic-cobb
7

Picture an acrobat standing on a tightrope...

Je n'ai jamais été fan d'E.T., mais j'avais regardé la bande annonce de Stranger Things par curiosité (après tout, c'est une série Netflix) bien que la série était d'ores et déjà comparé au film de...

le 19 juil. 2016

26 j'aime

Vivarium
vic-cobb
6

Quatre murs et (un) toi(t)

Malgré l'absence de renard dans le paysage, on ne peut s'empêcher de penser à Foxes en regardant Vivarium tant le cadre du court-métrage et celui du deuxième film de Lorcan Finnegan sont identiques :...

le 28 mars 2020

24 j'aime

1

Manifesto
vic-cobb
9

L'Harmonie du Chaos [critique de l'exposition]

La bande annonce de Manifesto m'avait grandement intrigué et c'est avec une certaine surprise que j'appris qu'il s'agissait en fait d'une exposition (le film devrait sortir un jour prochain) ...

le 5 mars 2017

24 j'aime

1