Plus mièvre, tu meurs, tu peux pas. Plus cliché, plus énervant, c'est assez difficile. Au bout de 37 minutes, t'en peux déjà plus. On bout de 56, c'est insoutenable. Tu as tous envie de les baffer, chacun des personnages, avec leur mièvrerie à couper le souffle, leur profonde naïveté, leur inconsistance incommensurable.
Amélie Poulain c'est la France stéréotypée, un Paris mièvre, aseptisé. C'est l'affreuse image que les étrangers se font de la France et de Paris. C'est comme ça que naissent les clichés. Le temps d'un succès populaire français, insipide à en crever.


En fait, il faut énormément de courage pour regarder Amélie Poulain après le joli souvenir que l'on en avait lorsqu'on était plus jeune, et qu'on avait pas encore découvert LE cinéma.
Parce que mon petit Jeunet, tu ne me la fais pas à moi. Toutes ses choses qui sont fait pour émouvoir le spectateur, l'attendrir sous une montagne de bons sentiments. Moi, je veux pas des trucs gnangnans, neuneus, sans consistances. Ton truc, c'est du vent. Je veux pas du vent moi. Je veux du vrai. Un truc qui fait que dans ton cerveau, dans ton cœur, tu comprends plus rien. L'éboulement total, l'incompréhension. C'est ça le cinéma. Pas un ramassis de mièvrerie à en faire honte ma propre grand-mère (enfin ça c'est pas sûr).


Et puis ça ne fait rien dans la dentelle. C'est du pathos à fond. Parce que c'est fait pour plaire au plus grand nombre et que ça marche, et seulement ça, déjà, tu comprends pas.
C'est censé parler du bonheur, mais en fait, c'est tout vide. Y'a aucun bonheur, aucun envol, aucune émotion qui jaillit, c'est que de l'industriel, de la consommation de vide pour la masse toute entière, des paillettes tout autour, et puis ça fait des couleurs que tu sais même pas pourquoi elles sont là, trop jaunes, trop vertes, comme partout chez Jeunet.
Parce que c'est fade, aseptisé, sans consistance, y'a rien autour, c'est que du vent, c'est d'une pâleur à en mourir, comme le visage de Audrey Tautou, avec ses grands yeux et son petit sourire de poupée. Franchement, on a vraiment envie de lui filer des claques. Comme tous les autres. Il n'y a que Jamel Debbouze (peut-être) le seul à peut près touchant.
Pourtant moi, je l'aimais bien Audrey Tautou quand j'étais plus jeune, avec sa jolie frimousse et sa petite voix toute gentille.


Le scénario ainsi, est rempli d'incohérence, de trucs improbables. On met les pieds dans le plat, partout, tout le temps, c'est cliché, cliché, cliché, et puis parfois, c'est absolument pas crédible : le père médecin d'Amélie Poulain qui, auscultant le cœur de sa fille, croit qu'elle a une maladie du cœur parce que son petit cœur fait boum boum lorsque son père la touche, et que c'est son seul moment d'intimité avec lui (non non, ce n'est pas une blague, c'est bien vrai les amis !). Encore une : alors qu'une touriste Québécoise se suicide du haut d'une église, la mère d'Amélie Poulain passe au moment même et meurt sur le coup.
Je peux vous en sortir plein des comme ça, mais il faut encore les retenir tellement le film demeure insignifiant, nageant dans sa propre blague, mollesse, gadoue.


Ainsi, le Fabuleux destin d'Amélie Poulain nous amène à nous poser la question suivante : pourquoi un tel succès planétaire ? Pourquoi ainsi, de tels succès, auprès de films tels que Les Intouchables, Bienvenue chez les Ch'tis ? Parce que la masse française se plaît à ne pas réfléchir ? Mais les spectateurs de masse d'un cinéma dit « populaire », sont-ils naïfs, au point de ne pas réfléchir aux images devant leur yeux ? Le problème, c'est que la plupart des gens considèrent le cinéma comme une distraction, et une distraction seulement.
Tout ça est triste, mais n'est-ce pas qu'une simple histoire d'éducation, d'habitudes ? Éduquer le spectateur à une autre vision du cinéma, voilà l'idéal. Mais il faut du temps, et une patience infime. Et de l'espoir, encore et encore. Car c'est une nécessité, immense. Le cinéma ne doit pas mourir. Qui, parmi les passionnés de cinéma, les cinéphiles, voudrait voir ce bel et grand art mourir à petit feu, en silence ? Il faut lutter, coûte que coûte, encore et encore.
Lutter simplement en continuant de nourrir sa passion pour le cinéma, en allant dans des cinémas d'Art et d'essai, ou en lisant Les Cahiers du cinéma par exemple (propagande bonjour !). Et puis, écrire des critiques. C'est chouette les critiques.


On ressort de ce film révolté, avec le sentiment que nous venons de gâcher 2h de notre vie (moins, je ne l'ai pas regardé en entier, oui, je suis lâche).
La musique de Yann Tiersen est probablement la seule chose qui arrive encore à m'attendrir, cette saleté de musique d'une grande beauté, archi connue grâce à un film d'une mièvrerie inconcevable. Je te plains mon petit Tiersen.

Lunette
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le 10 sept. 2015

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