Après The Lobster et Mon roi, voilà un autre grand gagnant de Cannes cette année. Couronné du Grand Prix (La Palme aurait été bien plus justifiée que pour Dheepan), Le Fils de Saul est le troisième choc de cet automne (et sans doute celui de l'année). Plus dur, plus viscéral, plus noir. C'est le premier film de Laszlo Nemes, jeune cinéaste hongrois, qui fait preuve pour ses débuts d'une maitrise et d'une puissance rare. Technique et mise en scène sont, à mes yeux, rarement vues, originales, innovantes. Le format d'image est carré, d'une beauté extrême, à l'inverse de l'horreur que le film nous montre. Ou plutôt ne nous montre pas. On ne voit que le personnage et ce qu'il voit. On le suit en permanence de la première image au dénouement, lui aussi, comme un symbole, une synthèse, hors champ. Tout le reste est flou en arrière plan. Tout est suggéré et comme souvent, cela est bien plus fort que de voir vraiment les scènes. Par contre, on entend tout (les cris, les ordres, les tirs...). Le travail sur le son est exceptionnel, contribuant bien plus au malaise que les images. On a déjà vu beaucoup de films sur le sujet, mais jamais aucun traité de cette façon. C'est assez déstabilisant car il n'y a pas vraiment d'émotion, et bien sûr aucun pathos. A part une émotion sèche, froide, comme l'urgence dans laquelle vit le prisonnier, en sursis permanent. On a pas le temps de s’apitoyer. Comme un cauchemar vécu en apnée d'où l'on sait qu'on ne sortira pas indemne. Saul est incarné avec une force et une présence magnétique par Géza Röhrig, pourtant pas acteur à la base (mais écrivain et poète). Un visage et un regard incroyables qui en font une vraie révélation. Il est juste génial. La mise en scène est donc aussi virtuose que précise et forte. Le scénario, inspiré d'écrits retrouvés dans le camp, une merveille d'écriture. Le Fils de Saul est aussi beau visuellement qu'il est insoutenable et oppressant. Tout un paradoxe qui fait que l'on en sort hébété et déboussolé, ne sachant trop quoi en penser sur le coup. Mais un film innovant (et c'est rare de nos jours) qui marque et hante durablement. Normal, c'est un chef d'oeuvre...

ffred
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le 5 nov. 2015

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