Pour le masqué, c'est toujours un plaisir que d'aller voir des classiques, la plupart du temps restaurés, sur grand écran. Pour se rappeler de ses premiers émois, car il devient vieux, un peu, mine de rien, Behind. Ou pour combler les trous honteux de la méconnaissance crasse de sa passion. Car Yojimbo, il ne l'avait jamais vu, l'idiot...


Ouf, il se couchera moins bête, c'est déjà ça.


Sauf que Yojimbo, Behind, il a dû se le mater après une présentation de ciné club à laquelle il ne s'attendait pas. Mais alors, pas du tout, tellement elle était longue et parfois, chiante, avouons-le. C'est bien fait, pensez-vous donc certainement, il n'avait qu'à mieux lire le programme.


Elle était chiante et douloureuse, cette présentation. Débutée avec cinq minutes de retard, à cause d'un micro foireux (bonjour l'amateurisme), elle n'en finissait pas de ne pas finir, avec son masturbateur intellectuel qui faisait vivre sa passion aussi intensément qu'un gynécologue se montre émoustillé par ce que ses clientes lui mettent sous le nez. C'est dur de réaliser que parfois, le cinéma, ce qu'on aime le plus après tout, est "servi" par ce genre de bonnet de nuit incapable de transmettre ce qui le fait vibrer. Ne quittant jamais sa tablette des yeux, aucun relief dans la voix, encore moins de débordements enthousiastes, il lisait son petit Yojimbo comme un curé récite son sermon lors de la messe mensuelle à Saint-Ignace-en-Berzigue.


Et en accomplissant le tour de force ultime de ne rien apprendre au lambda que je suis en matière de Kurozawa movie, tant l'intervention était lardée de lieux communs...


C'est donc après quarante-cinq minutes qu'il l'a enfin refermée et que le masqué a pu découvrir, un peu énervé quand même, THE masterpiece, THE chef d'oeuvre.


Au moins n'aura-t-il pas trop menti sur la marchandise, l'universitaire. Car à part une petite longueur le temps d'une captivité, Yojimbo fait étalage de ses nombreux charmes parfois assez fascinants et marche du feu de dieu, peut être même là où le masqué ne l'attendait pas.


Car oui, on sent bien que Yojimbo tient à la fois de l'influence et de la matrice western, avec ses images les plus classiques reprises à la quasi identique, entre le menuisier, la ville fantôme, le duel et quelques gros plans sur les visages des belligérants. Oui, c'est profondément ancré dans l'historique japonais, traditionnel et bigarré. Oui encore, la violence sèche jaillit parfois. Mais on est loin du film de sabre que le masqué escomptait dans sa bêtise crasse.


Car Yojimbo se montre en effet plus, sous l'oeil acéré d'Akira Kurosawa, comme un film aux accents appuyés de comédie de meurs, entre tragique et embardées burlesques, exécutant la peinture de toute la lâcheté, le dérisoire et la petitesse dont l'humain est parfois capable. A l'image du ronin, taciturne et futé, souvent mu dans un premier temps par les seuls ryos des deux clans qui se font face, faisant parfois la preuve qu'il reste quelque chose de bon et de grandiose en l'homme. Il ne dénote pas dans le village où il a fait halte, terrorisé, gangréné, écartelé. A l'image de cette ligne de dialogue, a priori anodine, véritable mantra du film a posteriori, commandant de chercher non pas dans la lumière, mais plutôt dans les ombres.


Le noir et blanc de Yojimbo est ainsi magnifique, la profondeur des champs surprenante de netteté. Les plans sont composés avec grâce, goût et maîtrise, habités par toute une multitude de gueules qui restent en mémoire. Le masqué n'en attendait pas moins d'Akira, dont Ran avait déjà ravi ses mirettes dans le genre épique.


Sans doute précurseur de la vague bad ass de l'anti héros, Sanjuro, charismatique, immortel, est au coeur de tout le tumulte déchaîné par son passage : il voit tout, écoute tout, exacerbe les traits de personnalité les plus remarquables chez chacun. En retrait, mais central, conduisant sa stratégie qui ne peut que tendre vers un duel final en forme d'exutoire, comme il avait, juste avant, mis à sac, dans une rage nocturne, un lieu de captivité.


Le masqué est donc sorti satisfait de la salle, même s'il a dû se farcir cette intervention qui l'avait bien refroidi. Preuve que Yojimbo résiste à tout, même au didactisme maladroit mais plein de bonne volonté d'un ciné club de ville moyenne.


Ce n'est sans doute pas la moindre de ses qualités...


Behind_"Retourne chez ta mère !"_the_Mask.

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le 10 avr. 2018

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