Le Livre de la jungle
7.3
Le Livre de la jungle

Long-métrage d'animation de Wolfgang Reitherman (1967)

Récemment remis au goût du jour par Andy Serkis, Le Livre de la Jungle n’en est pas à son premier coup d’essai au cinéma, l’illustre œuvre de Rudyard Kipling ayant eu son lot d’adaptations sur grand écran : quelques une s’en inspirèrent plus librement que le suscité, à l’image de live-action de John Favreau, lui-même remake du film d’animation made-in-Disney de 1967... une référence en la matière tant il est en est le porte-étendard incontestable.


Coutumier des livres de jeunesse, le studio aux grandes oreilles ne s’y trompa aucunement en signant l’un de ses plus fameux succès, lui qui fut marqué par le trépas de Walt un an plus tôt : un classique doublement primordial au sein d’une filmographie intemporelle donc, mais porteur d’un semblant de paradoxe à mon sens. En effet, s’il est indéniable que Le Livre de la jungle mérite ses louanges, au-delà de sa propension phénoménale à titiller notre glande nostalgique, il n’est pas pour autant le plus abouti du lot... comme pouvait l’être un Peter Pan des plus fins.


En fait, plutôt que de s’égarer en vaines comparaisons, disons que cet énième réalisation de Wolfgang Reitherman pourrait s’inscrit au sein d’un registre que je qualifierai volontiers de « divertimmersif » (barbarisme improvisé en l’état), le présent long-métrage parvenant à occulter ses limites de fond au gré d’éléments factuellement plaisants, si ce n’est même jouissifs. Il ne s’agit pas pour autant de décrier unilatéralement sa trame, quand bien même celle-ci afficherait une linéarité criante : les séquences majeures sont en ce sens des plus identifiables avec la Marche des Éléphants, le Roi Louie et enfin le quatuor de charognards à plumes, le film les érigeant en marqueurs des principales péripéties que vivra Mowgli.


Néanmoins, gageons que l’intrigue n’est pas pour autant simpliste à outrance : certes, l’introduction paraît relativement expédiée (la présence presque sacrifiée des loups en attestant), mais celle-ci demeure efficace (la jungle nous happe) tandis que diverses figures vont égayer la profondeur du récit. le faussement sympathique Kaa (en tant que ressort comique) constitue ainsi un intermède (en deux temps) des plus remarquables, son ambiguïté assumée en faisant d’ailleurs le personnage le plus inquiétant du lot : et, naturellement au sommet des antagonistes du Livre de la jungle, Shere Khan dénote de par son flegme so british (George Sanders) et son intelligence, celui-ci se parant d’une logique implacable quant au bien-fondé de ses motivations.


Au final, le film démontre clairement d’une subtilité remarquable par-delà son apparente légèreté de ton, le Roi Louie s’inscrivant lui aussi dans cette douce ambivalence ambiante : en effet, son swing et le Grand-Guignol de la course-poursuite dans les ruines contraste avec la gravité du kidnapping initial, comme si l’entrain d’un refrain ensorcelant nous leurrait sans coup férir. De manière général, la plongée au sein de cette jungle aux milles facettes est de toute façon diablement efficace : colorisation maligne, effets de profondeur réussis, sens du détail excellent et variété des décors formant une animation jusqu’ici sans égale.


Un état de fait conforté par un chara-design équilibré, réalisme et cartoon faisant ici bon ménage, tandis que la fameuse signature musicale du Livre de la jungle parachève avec maestria l’immersion. Formellement, nous pourrions toutefois souligner quelques bémols aux confins de l’anodin, tel le dépouillement des décors lors de la Marche des Éléphants, ou plus spécifiquement la cohérence de l’arc des Vautours : leur environnement funeste donne l’impression de sortir de nulle part, comme s’il s’agissait d’une parenthèse fantasmée.


Bref, le film demeure un grand moment de divertissement, ses compositions tantôt « féeriques », tantôt endiablées, en assurant l’unicité à l’image d’une galerie toute aussi mémorable : car quand bien même l’on pourrait tendre à pointer du doigt l’effacement de Mowgli au profit de ses compagnons, l’approfondissement léger mais pertinent d’un sage Bagheera ou de ce trublion de Baloo, dont les caractéristiques fondatrices vont finalement se croiser en bout de course, démontre fort bien du doigté imparable du Livre de la jungle. « Divertimmersif » donc, mais finalement bien plus que cela pour peu que l’on s’ouvre pleinement à cette jungle grisante.

NiERONiMO
8
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le 18 déc. 2018

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