Le Livre de la Jungle, de Jon Favreau. Adapté du film animé de 1967 de Wolfgang Reitherman d'après le recueil de Rudyard Kipling.


Cette politique de faire des remakes live des Grands Classiques Disney lancée par l'administration de la Walt Disney Company par Bob Iger, je dois faire partie des moins réfractaires à ça.
Un remake n'est pas un mal, ça permet à certains créateurs de s'approprier l'oeuvre d'origine en y apportant leur patte, en y corrigeant des défauts et cela permet aussi de relancer la notoriété de l'oeuvre d'origine pour donner des valeurs comparatives. Au mieux on en tire un super film, au pire ça valorise simplement l'oeuvre d'origine.
Et puis quitte à faire des remakes, les réalisateurs choisis pour les mettre en scène sont talentueux et ne se contente pas de simplement copier l'oeuvre, ils y apportent suffisamment de nouveautés pour qu'on ne regarde pas ces films pour rien.
D'autant que Disney semble lancer une nouvelle génération d'acteurs avec ces remakes, comme Oaks Fegley dans le prochain remake de Peter et Elliott le Dragon en Août prochain ou Neel Sethi dans le film dont je parle.


Le principal défaut de ces remakes est que la Walt Disney Company délaisse beaucoup trop les œuvres originales comme John Carter ou Tomorrowland qui ne méritaient pas leurs bides provoqués par une campagne marketing douteuse. D'autant que les remakes ont beaux êtres prometteurs pour la suite, certains font peur dans l'immédiat.
Comme le remake de Dumbo par Tim Burton qui fait vraiment peur car on a aucune informations et qu'il paraît impossible que même lui réussisse à transposer de manière crédible l'histoire d'un éléphant qui vole en live.
Et le remake de La Belle et la Bête par Bill Condon qui est un réalisateur vraiment douteux et qu'il a en plus annoncé qu'il ferait un simple décalque live du dessin-animé d'origine (d'ailleurs quand je vois que les défauts pressentis pour ce film sont présents dans le film dont je vais vous parler, ça n'annonce rien de bon).
Et pour ceux qui ressentent un certains ras-le-bol des remakes, dites vous que ça ne durera pas. Après tout, le mandat de Bob Iger s'achèvera en 2018.


Donc que vaut la version live du Livre de la Jungle par le réalisateur d'Iron Man ?
Et bien il faut avouer que Jon Favreau ne s'en tire pas trop mal pour son premier travail chez la boîte mère. Faire du remake un film d'aventure est une bonne approche, là où le premier film était surtout un voyage ponctué de rencontres qui faisait la force du film. L'aspect aventure est superbement utilisée, on a droit à des moments épiques, émouvants et même héroïques à certains moments, avec un humour léger qui marche plutôt bien (merci Baloo).
Et en plus, le film montre que Favreau a compris bon nombres de valeurs qui faisait que le film d'animation de Wolfgang Reitherman était aussi génial.
Le film possède suffisamment de nouveautés pour ne pas donner l'impression qu'il se regarde pour rien. Le principal défaut potentiel d'un remake est évité.
Cependant, le film n'a pas su éviter plusieurs défauts qui font un peu de peine.


Le film souffre déjà d'un gros manque d'immersion jusqu'à son troisième acte.
La faute à un rythme beaucoup trop rapide dès le départ, et les personnages secondaires comme les loups sont survolés.


Je n'ai rien ressenti quand Shere Khan a tué Akela tant le personnage était survolé (ça valait pas tellement la peine de prendre Giancarlo Esposito pour un rôle si minime). Cependant, Raksha est de loin la meilleure personnage du film, on sent à chaque regards son amour pour Mowgli.


Et il y a aussi un manque de transitions entres certaines séquences. Si on passe d'une atmosphère et d'une partie de la Jungle différente à une autre de manière fluide. Les péripéties que Mowgli fait, si on ne compte pas celle avec le Roi Louie, elles sont trop vite expédiés.


On passe des adieux à la meute à la rencontre avec les Éléphants, puis à l'attaque de Shere Khan dans les hautes herbes trop rapidement.
Et quand vient la célèbre séquence avec Kaa, une fois que Mowgli manque de se faire manger, on passe d'une attaque en un éclair à la rencontre avec Baloo.
Et là encore, la partie où Mowgli fréquente Baloo arrive trop rapidement, à tel point que lorsqu'on vient au moment où celui-ci rejette Mowgli pour qu'il se décide à aller chez les hommes, on y croit pas du tout.


Le film dure 1h45, mais il aurait fallu 15 minutes de plus pour mieux approfondir les relations entre les personnages.


D'ailleurs parlons du casting, il mérite qu'on y fasse un détour.
Rien qu'un casting original pareil rend obligatoire un visionnage en v.o tant ce sont des pointures et tant leurs personnages leur corresponds: Bill Murray en Baloo, Christopher Walken en Roi Louie, Lupita Nyong'o en Raksha, Idris Elba en Shere Khan et Ben Kingsley en Bagheera.
Sans compter Scarlett Johansson en Kaa. Faire de Kaa une femelle est immédiatement une bonne idée car ça apporte un côté charmeur (et puis comme ça, les petits malins n'auront pas le réflexe de blaguer sur la pédophilie).
(Par-contre, il faudra qu'on m'explique ce que Sam Raimi fait dans le casting, ça restera un mystère pour moi).


Mais c'est en v.f que j'ai vu le film. Et même si le choix de certains acteurs pour tel ou tel personnages peut paraître bizarre, ces choix de voix prennent tout leurs sens une fois entendus.


Lambert Wilson qui double Baloo, ça fait peur, mais en fait ça lui correspond parfaitement pour ce personnage qui est un bon vivant. Il lui apporte même une touche cultivée qui passe très bien vu que Baloo est convaincu qu'une vie comme la sienne est idéale.
Et Eddy Mitchell en Roi Louie...PARFAIT ! On a eu peur au début, principalement parce qu'on pensait que ce choix ne serait dû que pour un chant, mais finalement c'est le choix parfait. Eddy Mitchell lui donne non-seulement une voix qui en impose avec son physique, mais en plus ça fait ressortir son petit côté plaisantin.


Quant aux autres doubleurs, Leïla Bekhti en Kaa, Bernard Gabay en Bagheera, Daniel Lobé en Shere Khan, Pierre Tessier en Akela, Cécile de France en Raksha et Victor Biavan pour Mowgli. Ils font tous de l'excellent doublage.


Ils font ce qu'il faut pour faire exister les personnages. Ce qui malheureusement ne sera réussit qu'avec des défauts évidents.


Le choix de faire un film live se passant dans la jungle comporte des obligations. Pour avoir une direction artistique maîtrisée, tout le film est tourné en studios sur fonds bleus. Tous les décors utilisant le photo-réalisme. Et contrairement à certains réfractaires, je suis d'accord avec cette pratique, cela permet d'avoir un total contrôle des décors. Et là-dessus, le film est parfaitement maîtrisé et fait même preuve de beaucoup de créativité.
On a une diversité de décors qui valent le coup d’œil. Les paysages verdoyants du foyer de Baloo, le temple lugubre du Roi Louie, les prairies, les forêts et dans plusieurs atmosphères diurnes et nocturnes qui font plaisir à voir. On en a pour notre argent.


Cependant, ce procédé apporte autant de bonnes choses que de petits défauts malheureusement obligatoires.
Chose qu'on remarquait déjà dans les bandes-annonces. Neel Sethi étant le seul personnage du film en chair et en os, il fait presque tâche au milieu des animaux en sachant qu'ils sont en images de synthèse. Après, heureusement que le film comporte suffisamment de scènes biens tournées où il interagis physiquement avec eux pour sauver ça.
Ensuite, le problème avec les animaux, ils sont tellement réalistes qu'ils en sont pour la plupart inexpressifs. Il n'y a que par leur regards qu'on peut déceler leur jeu. Ceux qui échappe à ça sont Baloo car il fait preuve de toute une gamme de mimiques, Raksha car son regard nous transperce de son amour maternel et le Roi Louie car il a un visage plat (et on croirait vraiment Christopher Walken au passage).


Mais la chose qui doit le plus jouer dans ce film, de son statut de remake, ce sont les différences avec l'oeuvre d'origine. Bien entendu, c'est le Classique d'Animation qui est remaké, pas l'histoire de Kipling.


Il y a des changements vraiment bienvenus.


Le fait que ce soit Mowgli qui décide de partir pour la sécurité de la meute entière, là où dans le film ils s'étaient mis d'accord sur son départ pour sa sécurité. Et cela exprime et renforce encore plus l'amour entre Mowgli et sa mère et son attachement avec la meute (l'une des meilleurs scènes du film).
Ou le fait d'avoir changé l'ordre des rencontres de Mowgli avec les différentes menaces.
Le fait d'avoir fait du Roi Louie un Gigantopithèque plus imposant et plus dangereux.
Le fait d'avoir fait du feu, l'un des éléments centraux du film. Et pousser plus loin en expliquant pourquoi le Roi Louie le souhaite (pour le progrès, le film d'animation le suggérait d'ailleurs) et même de façon à rendre la fin plus belle, vu que Mowgli ne combat pas Shere Khan avec la torche comme un homme le ferait mais en combinant son astuce avec le feu, comme lui-même Mowgli le ferait (rendant plus clair et subtil le message de fin).
Et du coup, finir le film différemment avec Mowgli qui assume son côté humain tout en restant vivre dans la jungle plutôt que de vivre avec les humains. C'est même mieux que dans le film d'animation de ce côté-là.
Ensuite le fait de montrer Shere Khan haineux des hommes par une défiguration. Un peu facile mais bien utilisé...sauf pour l'origin story de Mowgli absolument inutile.


Car oui, certains changements sont malvenus.


Kaa qui envoûte Mowgli, bien utilisé (j'ai eu des frissons quand elle parlait de la Fleur Rouge), mais le fait que Shere Khan ait tué le père de Mowgli ? ça apporte quoi ? Le fait qu'il ait tué Akela est suffisant. Et puis Kaa a vu Mowgli tout petit ? Mais à quoi ça sert de dire ça ? De le montrer maintenant même ? Quitte à mettre cette scène, ça n'aurait pas été mieux de faire comme le film original et montrer Mowgli au début du film se faire adopter par la meute ? ça aurait rendu son départ plus déchirant même.
Et de placer le moment où Baloo rejette Mowgli ? Placé beaucoup trop tôt, car l'amitié entre eux n'a pas été poussé suffisamment loin et n'a pas duré suffisamment longtemps pour qu'on soit attristé par cette action. Au mieux le placer après la rencontre avec le Roi Louie quand Mowgli apprend la mort d'Akela, pour aller encore plus loin dans la peine de Mowgli. Ou au pire carrément supprimer ça.


Mais il y a une chose que le film aurait mieux fait de ne pas garder du tout par rapport au film d'animation. Si vous avez vu le film, vous savez de quoi je parle: les chansons !
Car oui, Le Livre de la Jungle en live possède des chansons. Il en faut peu pour être heureux, Être un homme comme vous, et Aie confiance.
Et non-seulement elles sont mal chantées mais elles dérangent tant elles n'ont rien à faire là. Ce remake du Livre de la Jungle n'est pas un film d'animation ni une comédie musicale mais un film d'aventure réaliste ! Le contexte pour une chanson est totalement inadaptée !
Dans le générique de fin, ok, pas de problème. Mais quand tu fais un film live, tu dois l'assumer ! Et le film ne le fait pas à 100%.


Bon, Aie confiance, a sa place dans le film, car c'est une chanson pour charmer Mowgli et ça marche très bien. Mais les autres...
Voir Baloo évoquer Il en faut peu pour être heureux est amplement suffisant. Mais non, il faut carrément l'entendre chanter. Et la voix de Lambert Wilson ne passe absolument pas. ncore heureux que c'était accompagné de la voix aigu de Mowgli.
Et avec Être un homme comme vous, alors là c'est le pompon ! Cette chanson casse complètement l'aspect sinistre et intimidante du Roi Louie qui avait réussit à s'installer. Parce qu'elle dégage trop de positivisme avec son côté jazz comme dans le film d'animation avec les "boubidou" ridicules à souhait. Sans parler de la synchronisation labiale à côté de la plaque.


Par-contre, il y a une chose de vraiment bien à ce niveau: La Bande-Originale composée par John Debney !
Oh bon sang, c'est LE bon point du film. La musique est tellement géniale que pour elle seule, il faut regarder ce film. Rien que l'air d'Il en faut peu pour être heureux en instrumental symphonique est un plaisir pour les oreilles. Et ce n'est qu'un morceau parmi beaucoup d'autres dans le film.
Et les scènes d'émotions marchent encore plus avec ces partitions. Franchement, Debney a fait un travail de toute beauté à la fois épique et sans retirer l'identité du récit du Livre de la Jungle. Bravo.


Même si un remake d'un des films les plus cultes de Walt Disney Animation Studios peut paraître inutile, il n'empêche que quand c'est fait avec passion, on en tire du très bon qui vaut le coup d’œil.
En attendant Peter et Elliott le Dragon qui promet d'être très bon en Août prochain, je vous recommande cette relecture du film d'animation. Et revisionnez le film original si vous le pouvez, car même si le remake existe maintenant, le film d'animation restera culte à jamais.


En attendant, Le Livre de la Jungle de Jon Favreau est une franche réussite.

Housecoat
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le 3 mai 2016

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