Le nombre actuel de projets d’adaptation « live » est un signe du temps : puisque l’animation a atteint un degré de perfection excédant largement le cadre de l’animation, autant prétendre faire un film à l’appellation pour le moins fallacieuse, puisque nous n’avons ici qu’un seul acteur sur fond vert.
Au vu de la liberté générée et de la qualité du rendu (fourrure, eau, végétaux, expression faciales, plus rien ne semble montrer les limites de la CGI), l’idée est défendable. Quand le réalisateur d’Iron Man prend les commandes de Mowgli on est en droit d’avoir des craintes.
La surenchère redoutée n’est finalement pas omniprésente. On sent bien quelques arrangements avec le scénario pour nous en mettre plein la vue, avec de nombreuses scènes collectives, au point qu’on se croit de temps à autres face à l’arche de Noé. Le mouvement général est bien maitrisé, autour d’une dynamique fondée sur la course : le long des troncs, dans les ravins (dont une séquence renvoie de façon un peu trop claire au Roi Lion), dans la savane, le jeune enfant agile détale et la caméra prend plaisir à le suivre avec fluidité. Certains combats sont un peu épileptiques et manquent de lisibilité, et deux scènes maitresses, la poursuite du roi des singes en mode King Kong et le combat final n’échappe pas aux pesanteurs de rigueur dans les blockbusters. Le film accuse aussi quelques longueurs, mais qu’on peut mettre aussi à son crédit pour équilibrer par certains dialogues une incarnation des personnages ponctuant les séquences d’action.


La principale frustration, si l’on compare cette version au chef d’œuvre original de 1967, provient de la dimension comique, clairement réduite ici. Baloo nous fait certes un petit revival de sa chanson fétiche, mais ses apparitions sont clairement sacrifiées à l’action plus générale, voire épique, ce qui nuit un peu au divertissement enfantin.
On saluera l’ajout d’une idée assez intéressante : celle de l’instinct humain de Mowgli le poussant à créer des « astuces », opposées au monde des animaux. D’abord réprimandées, ces ébauches de civilisation (ramasser l’eau avec une écuelle, faire de lianes des poulies) pimentent le récit de trouvailles, et seront l’objet de l’émancipation de l’enfant.


Rien de bien révolutionnaire, donc. Le livre de la jungle version Favreau est une nouvelle étape dans la perfection toujours croissante des effets numériques, qui ont le mérite de rester la plupart du temps au service d’une histoire plutôt attachante.

Sergent_Pepper
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le 14 avr. 2016

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