L'âme du théâtre

Mesdames Messieurs
Laissez-moi vous conter un récit. Morbide et magnifique à la fois, un voyage dans le repaire de la folie et de la paranoïa. Un récit qui vous fera traverser de multiples émotions. Vous serez en premier lieu interrogatifs, vous demandant toujours dans quoi vous mettez les pieds, puis vous serez dubitatifs, perdus dans un univers étrange qui ne vous donne aucune clef. Peu à peu, vous allez contempler la force de ce que vous voyez, comme hypnotisé par cette présence trouble qui plane au-dessus de tout ça. Et tout ceci va vous conduire à la stupéfaction, celle que l'on éprouve quand on reste figé sans pouvoir détourner le regard. Et pour finir, vous serez achevé pas le grandiose d'un final qui vous foudroiera droit au cœur. Tout ceci était donc qu'un coup de foudre qui vous restera gravé, au point même où cette histoire va continuer à vous hanter et vous voudrez trouver des réponses "il y a t'il d'autres sens de lectures ?", "d'autres degrés de perceptions" "possible" ?

Mais ce n'est pas mon rôle de vous conter cette histoire, alors je vais vous en faire une critique pour que toute la puissance de cette œuvre vous soit restituée lors de son visionnage. Il y a en effet des choses qu'on ne peut expliquer, qu'il faut vivre, qu'il faut voir et cette œuvre en fait partie. Permettez-moi donc de vous faire une humble critique.

Cette œuvre est celle de Roman Polanski, auteur qui aime introduire dans ses œuvres des hommages à l'art et celle-ci n'y échappe par. Le théâtre est au centre de cette histoire, ce passage vers la fin démontre à lui seul toute la théâtralité de l’œuvre. Comment en effet ne pas faire le lien entre les images et le déroulement d'une pièce de théâtre ? Ce que nous voyons, ce sont des spectateurs sur leur terrasse, se délectant du drame qui se joue devant eux, impuissants mais excités. On peut aussi faire le lien avec le personnage principal jouant un rôle qui n'est pas le sien, entretenant un rapport ambigu avec l'ancienne locataire morte en se suicidant. Ce lien fantôme et miroir qui va se créer au fil de l’œuvre entre 2 personnages qui n'ont pas grand-chose en commun. Et pourtant l'un sera le reflet de l'autre, l'un se fera conditionner pour devenir l'autre l'entrainant un peu plus dans la folie.

La folie, sujet principal de l’œuvre, construite avec intelligence et profondeur, le tout magnifié par une ambiance lourde et morbide. Cette Impression que la mort rode, qu'elle veille en attendant de frapper, l'immersion ne pourrait être efficace sans un soin tout particulier apporté à l'image. Celle-ci, à la fois sobre et esthétique, proposant ç chaque instant des cadres parfaits, et dans les plus grands moments de folie, nous offrant des séquences d'une rare beauté. Comme ce moment où l'on voit le décor devenir de plus en plus grand et le personnage de plus en plus petit. Il y a peu de temps, je vous contais une critique qui relatait une œuvre des années 90 possédant une imagerie des années 60. Aujourd'hui, c’est tout le contraire, l’œuvre que je vous conte date des années 70, pourtant gratifiée par une imagerie tout droit sortie des années 90.

Comment vous parler de cette œuvre sans vous évoquer une seule fois la Musique, toujours en retrait mais présente malgré tout, un peu à la façon d'un Mulholland Drive. La musique joue parfaitement son rôle et dans ce genre d’œuvre à ambiance, la musique est toujours un élément très important. C'est elle qui guide nos émotions, notre façon de voir l’œuvre.

Et bien sûr, il y a aussi le jeu des comédiens, important et central sans qui rien ne serait possible, et Polanski, lui-même jouant le premier rôle, se révèle vraiment très bon et parvient, avec élégance, à nous faire vivre la folie qui vient en lui. Ce n'est pas rien sachant que l’œuvre tourne toujours autour de lui.

Donc pour conclure, que dire à part que c’est chef d’œuvre, où tout y est parfait sans aucune fausse note. L'histoire est superbe, la musique à tomber, la mise en scène magnifique et les comédiens très bons (ah oui dans ce film, on peut y voir Gérard Jugnot, Josiane Balasko et Michel Blanc). Par contre, il y a un détail qui est très étrange : c’est que la VO de ce film est en anglais alors que l'histoire se passe à Paris et avec des personnages français. Mais ce n'est qu'un détail et puis de toute façon, la VF rattrape le tout et du coup je tiens avec ce film la preuve que peu importe la VO, ce qui compte, ce n’est pas le jeu de l'acteur original mais ce qui correspond le mieux au personnage et ici, c’est la VF.

Enfin, pour finir une fois pour toute, je vous conseille fortement ce film, il est bien possible qu'il ne plaise pas à tout le monde de par son ambiance, mais pour ceux qui aime les films de ce genre : foncez !!!.