Jordan Belfort… Le Heisenberg de la finance, le lord of war des marchés, le citizen kane de la bourse, un Popeye carburant à la cocaïne. Courtier ambitieux rêvant de devenir milliardaire, il commence dans une société de bourse bas de gamme pour monter sa propre boîte, instaurant des méthodes de vente basées sur la manipulation et exploitant l’avidité des riches. Rapidement la boîte s’élargit et attire de plus en plus de gens intéressés par gagner plein d’argents. Mais le désir va bien au-delà qu’être à l’abri de l’endettement, car rapidement la débauche et le vice s’installe. Le film montre ainsi des scènes hallucinantes : de la drogue ayant remplacé le café comme stimulant, des employés baisant des secrétaires ou des putes à la vue de tous ! C’est carrément un autre monde, coupé du reste de la population, où des gains faramineux justifient tous les comportements. Il y a eux et les autres, les pauvres. C’est le cas de le dire, le monde se divise en deux catégories… Des scènes hallucinantes mais aussi inquiétantes, le film étant basé sur l’histoire vraie de Jordan, racontant (à supposé que tout soit vrai) la vie dissolue des personnes qui influent sur le cours de la bourse. Tous les employés entonnant le même chant de guerre autour de leur chef de meute, mentant sans vergogne au téléphone, gagnant la confiance en jouant le type amical qui veut du bien pour mieux enculer par derrière le pigeon (vocabulaire châtié mais conforme au film !), laissant libre cours à leur perversité même durant les fêtes... Bien que certaines scènes frôlent le vulgaire, n’ayons pas peur d’affirmer qu’elles produisent un réel plaisir coupable pour tout spectateur masculin, nombreuses étant les parties féminines dévoilées.
Scorcese délaisse le monde des gangsters et retrouve son acteur fétiche. Avec de telles personnalités aux commandes, on peut légitimement s’attendre à une œuvre de qualité et sur ce point le film ne déçoit pas : Dicaprio excelle comme d’habitude dans ce personnage excentrique, et Scorcese dépeint avec une férocité et une audace qui lui est coutumier cet univers hors-norme. Seulement tout n’est pas parfait pour autant…

Pour commencer, le film dure 3h et je le trouve trop long pour ce qu’il raconte. L’histoire est finalement assez prévisible : un Jordan atteignant rapidement le sommet de la fortune avant de perdre le contrôle. Pas réellement d’intrigues si ce n’est quelques soucis avec le FBI et les tentatives du magna de la bourse pour dissimuler tout son argent sale. Pendant 3h on a donc le droit aux frasques de Dicaprio, s’envoyant en l’air avec des putes sans pudeur aucune, en permanence sniffant en toute impunité, jamais sobre, jusqu’à parfois devenir complètement hors de contrôle et pathétique. Et 3h c’est long.
Si pas mal de scènes sont choquantes, au-delà du trio sexe, drogue et argent, je trouve que « le loup de Wall Street » n’a toutefois pas la même veine que « les infiltrés ». De même dans le genre j’ai trouvé « 99f » plus acide, critique et délirant sur le monde de la pub. A trop dilué la sauce elle en perd de son piquant.
Les scènes complètement irréels et osées, les comportements déviants des courtiers, et surtout les effets de la drogue sur Dicaprio produisent pas mal d’humour grâce à un côté décalé, mais qui aurait mérité d’être plus prononcé encore. Au-delà de quelques bonnes trouvailles (comme la scène avec la voiture), cela manque de folie.
Quelque chose me gène au niveau du développement psychologique du personnage. Même quand il perd le contrôle, à cause d’une addiction évidente à la drogue et d’une ambition dévorante, c’est à peine s’il se remet en question. Le personnage incarné par Dicaprio n’apparaît donc pas aussi troublé que ses autres rôles, comme dans « inception » ou » « shutter island ». Il agit tel un connard envers tous ceux qui ne partagent pas son intérêt pour l’argent facile, mais se montre généreux et protecteur envers ses employés. Une double face plutôt paradoxale. Puis ne sont-ils pas censés être des charognards dans ce milieu, avec une compétition acharnée ? Bon il y a bien eu quelques trahisons… Mais au final je ne sais trop quoi penser de Jordan, même ces dérives ne suffisent pas à le rendre détestable, mais pas sûr ce que soit uniquement volontaire. Faut-il y voir une maladresse du film, une incohérence ? Sa personnalité reste donc assez floue. Et sans doute la longueur du film y joue-t-elle aussi un rôle : à la longue on finit par être habitué, se lasser serait-on tenté de dire, les comportements déviants ne choquent plus autant.
Ces défauts ont entraîné une légère déception, surtout étant donné les notes très élevées sur sens critique. Pas un mauvais film loin de là, les performances sont là, mais pas autant que je m’y attendais.

Au final, malgré un film trop long pour ce qu’il raconte, une psychologie pas toujours bien amenée et une folie trop douce, « le loup de Wall Street » n’en dépeint pas moins avec une virulence et une audace certaine l’univers dissolu des courtiers.

Je ne regrette pas d’avoir investit mon argent sur ce produit, on ne m’aura pas mentit, peut-être juste un peu embelli la vérité et caché les imperfections.
Enlak
7
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le 5 févr. 2014

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Enlak

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