Suite moyenne ou mauvais remake ?

Aussi loin que je me souvienne (et ma mémoire va un poil plus loin que celle de Dory), c'est la première fois que j'accueille un Pixar à reculons. Tout en ayant un a priori positif car Pixar reste Pixar, je n'étais pas plus excité que ça par l'idée de donner une suite à ce qui reste comme l'un des grands chefs d'oeuvre du studio.

J'ai pourtant défendu Monstres Academy à sa sortie. La majorité des critiques dénonçait un gouffre qualitatif avec Monstres et Cie, mais j'y voyais surtout un film qui prenait le contre-pied de son aîné, délaissant l'émotion intense pour plonger à bras le corps dans un trip comico-potache mené tambour battant. On avait finalement là une suite qui, consciente qu'elle ne pourrait égaler l'original, creusait son propre sillon et parvenait à surprendre.

C'est malheureusement tout le contraire avec Le Monde de Dory. Parce qu'il se montre d'une fidélité excessive à son prédécesseur, le film se donne parfois de faux airs de remake vu qu'on a l'impression tenace d'être en terrain connu. Ce ne serait pas forcément un défaut si la qualité d'écriture était portée par l'exacte exigence qui fait la renommée de Pixar. Or Le Monde de Dory s'adonne paresseusement à du recyclage de schémas narratifs, se reposant sur les acquis du studio sans prendre le moindre risque. Même le dosage entre rire et émotion, jusque-là irréprochable dans la majorité des productions Pixar, semble ici avoir été traite par-dessus la jambe. Dans un ensemble largement dominé par l'enchaînement de gags -qui arrachent rarement plus d'un sourire poli-, les moments plus sérieux tombent comme des cheveux sur la soupe, un peu comme si ils avaient été rajoutés en fin de production pour redonner un peu de pixaritude à un film qui penchait dangereusement vers la dreamworksophilie.

Les personnages non plus ne bénéficient pas du soin dont Pixar est coutumier. Dory, bien que toujours aussi attachante, tape parfois sur les nerfs à trop tirer sur le comique de répétition. Marin et Nemo ne servent strictement à rien, si ce n'est à gonfler artificiellement la durée du film - sauf que leurs scènes sont les moins intéressantes du film. Les dispenser de cette suite s'imposait pourtant, et cela aurait permis d'étoffer des personnages secondaires qu'on a vraiment l'impression de croiser en coup de vent (notamment Hank, qui aurait mérité d'être plus fouillé).

Plus étonnant encore, on est bien en peine de distinguer un quelconque gap graphique entre Le Monde de Dory et Le Monde de Nemo, bien que 13 (!) ans les séparent. Tout cela sent trop le réchauffé, et cette suite se paie même un look moins coloré (mais peut-être légèrement plus vivant).

A la déception s'ajoute même parfois l'incompréhension face à ce qui apparait comme des extravagances de traducteurs, à l'instar du rêve de Dory à base de pièce montée et de clé anglaise (?!), et surtout de l'inexplicable présence de Claire "mais qu'est-ce que je fous là" Chazal en voix off d'une réserve de biologie marine (je suis à court de ponctuation adéquate pour exprimer le niveau de WTF de ce choix... stratosphérique on va dire).

Cela dit, les enfants s'amuseront, pour ça y'a aucun souci. Mais j'ai préféré volontairement insister dans cette critique sur tous ces défauts que l'on n'a pas l'habitude de rencontrer dans les productions Pixar, et surtout sur cette absence totale de prise de risque. Objectivement ça reste un bon film, mais il se devait d'être bien meilleur.