Le Pont des espions par JipéF

Spoiler mineurs dans la critique, nécessaire pour l'explicitation du propos.

Quoi qu'en disent les plus blasés, la sortie d'un nouveau film de Steven Spielberg, c'est toujours un événement et ça ne se rate pas. Et comme pour me rattraper d'avoir raté Lincoln et Cheval de guerre, les deux derniers opus du maitre, j'étais bien décidé à ne pas laisser passer ce Pont des Espions. Je ne l'ai pas regretté.

Le Pont des Espions est un film historique sur la guerre froide, plus précisément sur une période bien précise : la chasse aux sorcières, comprendre traquer le méchant communiste par tous les moyens possibles et imaginables, fussent-ils à la limite de la légitimité démocratique. Dans ce contexte ou tout le monde se méfie de tout le monde, les deux superpuissances se livrent une incessante chasse aux espions. Le film raconte l'histoire de Jim Donovan, avocat d'assurance, qui se retrouve commissionné par son cabinet pour défendre Abel, un espion russe récemment capturé. Cela lui vaudra une vindicte populaire difficile à supporter, qui ira jusqu'à sérieusement perturber sa vie de famille. La première partie du film raconte donc le procès que Donovan devra mener pour défendre et garantir un procès équitable à cet espion attachant qui ne faisait que son travail. Le point de vue adopté est évidemment tout sauf manichéen, et le déroulé est passionnant.

Mais le film ne s'arrête pas là. Devant l'évidence manifeste de ses compétences de médiateur, Donovan est à nouveau sollicité pour négocier un échange d'espions, impliquant justement Abel. Il devra se rendre pour cela en terrain ennemi, à Berlin Est, en pleine construction du mur, afin de mener cette tâche à bien face à deux interlocuteurs à la fois similaires et différents : la RDA et l'URSS. Et cette deuxième partie, incroyablement tendue, est fantastique, rien que pour la reconstitution proprement hallucinante de l'ambiance et des lieux.

C'est donc une bien belle réussite que livre ici Spielberg, dont le talent ne semble pas prêt de s'épuiser même après 40 ans de carrière. Bien sur, ce n'est pas son film le plus abouti, et la réalisation est loin d'égaler les sommets de virtuosité que sont Saving Private Ryan ou Jurassic Park. On pourra aussi rétorquer que le rôle de Donovan est taillé sur mesure pour Tom Hanks, clairement très valorisé. Mais ce rôle d'avocat qui reste digne même dans les circonstances les plus extrêmes, littéralement habité par sa vocation, n'est pas franchement facile à endosser et sa performance mérite d'être saluée. Et d'une manière générale, le film, injustement boudé par le public, vaut vraiment le détour, ne serait-ce que pour se remémorer ou découvrir cette période terrible qu'était la guerre (pas si) froide.