D'abord carrément effrayée par les voix off et la narration par chapitres, d'assez mauvais augure, je me suis néanmoins assez vite réconciliée avec ce film pince-sans-rire, grâce à la subtile ironie qui s'en dégage (voir le moment où les personnages dissertent sur l'inutilité de certaines scènes de nu...). Godard, que je n'arrivais pas à trouver intéressant en interview à la télé et dont je n'ai vu quasiment aucun film (honte à moi, mais je ne crois pas que j'aie vraiment l'intention de remédier à cela...), s'avère finalement une personne assez attachante, campée sur ses positions, intransigeante, flegmatique et relativement douée pour la joute orale... et ça, c'est parfaitement exploité par le scénario. Avec en prime une plongée assez revigorante dans l'énergie de Mai 68, qui n'est pas sans faire écho aux événements actuels. Un attrait de plus. J'avoue une certaine jubilation à entendre les personnages traiter De Gaulle de tous les noms avec une rage farouche. Pas pour avilir ce pauvre Charles, déjà tant mis à toutes les sauces et parfois plus dégradé par les gens qui se réclament de lui que par ceux qui le vilipendaient, mais pour le bouillonnement sain qu'une certaine révolte a représenté, dans un système parfaitement moisi. Un autre intérêt du film est de montrer la face sombre de pareil bouillonnement : la vaine dépense d'énergie qui ne débouche pas sur quoi que ce soi de construit, dans des assemblées où l'on aime plus que tout se sauter à la gorge. Donc, au final, une expérience plutôt revigorante en dépit de la mauvaise humeur tenace du protagoniste et du caractère un peu trop lisse de sa compagne, petite fille de Mauriac.