(article précédemment publié sur Les Chroniques de Cliffhanger & Co)


Après avoir récemment réchauffé et/ou remaké à peu près toutes leurs propriétés, Disney s’attaque maintenant à une suite de son classique de 1964, Mary Poppins. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le risque est grand, tant les fans de tous âges sont nombreux, et la proposition de cinéma de ce film si singulière. On avait vu en 2013, dans l’excellent Dans l’Ombre de Mary, les coulisses de la création du film original avec Emma Thompson et Tom Hanks qui interprétaient respectivement P.L. Travers, l’auteure des romans, et Walt Disney, celui qui se retrouvait à la fois chez le père et les enfants Banks. Ici, ce n’est plus «un film sur» mais bel et bien une suite, en forme de redite cyclique, car Mary Poppins revient aider la progéniture de George Banks, devenus adultes et ayant eux mêmes des enfants. Le choix du titre, d’une simplicité limpide, invite au même procédé concernant le traitement de cette sequel, 54 ans après. La technique, le monde, le cinéma, les modes, les comédiens, tous ont changé, évolué, vieilli. Mais qu’importe, la politique disneyenne de nos jours est à la nostalgie et Rob Marshall, réalisateur de Chicago, Nine et Into The Woods, a la dure charge de mettre en scène Le Retour de Mary Poppins.


Encore une fois, le film mêle prises de vues réelles et animations en 2D et 3D, pour des numéros de film musical qui feront le plaisir des adeptes du film original, bien qu’on puisse tout de même reprocher aux créateurs de la musique de n’avoir pas su marquer les esprits avec des mélodies entêtantes comme pouvaient l’être Chem Cheminée ou Supercalifragilisticexpialidocious. Aussi, on s’étonne de ne pas vraiment avoir de chansons écrites par l’acteur Lin-Manuel Miranda, qui a cartonné à Broadway avec Hamilton, et qui a signé celles de Vaiana pour Disney. Mais reste un spectacle tout à fait fertile et dans la pure continuité du premier film, à la fois émouvant et sociétal, mais n’oubliant jamais la magie qui a touché tant de générations. Souvent malin, le film est tout à fait bien exécuté, même s’il souffre d’un rythme qui aurait demandé à plus d’actualisation, au lieu de multiplier les décors. Et en effet, plutôt lent, étirant parfois ses scènes à l’extrême, Le Retour de Mary Poppins semble avoir été fait par des fans pour des fans. Quitte à laisser les autres sur le carreau.


Toutefois, à condition d’accepter le fan service, le film fonctionne grâce à l’abattage de la géniale (et magnifique) Emily Blunt, ainsi que ses partenaires Lin-Manuel Miranda, Ben Whishaw, Emily Mortimer et les enfants, tous très bons. L’apparition de la toujours parfaite Meryl Streep semble avoir été écrite pour elle, dans une scène aussi réussie que folle. Quant à l’antagoniste que campe Colin Firth, il rappelle celui d’un autre film Disney de cette année, Jean-Christophe & Winnie, dans lequel Mark Gatiss jouait un homme abusant de son pouvoir capitaliste contre notre héros. Ce qu’il y a de réjouissant dans ce film, c’est cette propension au charme désuet des effets en dur, ou au mix entre l’animation traditionnelle et le live-action. C’est dans les scènes plus lourdes en CGI où on se doute qu’elles vieilliront moins bien que les autres, la faute à une façon de filmer un peu molle, dans une mise en scène un peu simple pour être réellement flamboyante. Heureusement que les cameos de Dick Van Dyke et de Angela Lansbury viennent donner un peu de souffle et d’onirisme supplémentaire à un film réussi mais rongé par sa condition de suite/trip nostalgique, trop marqué et empreint par son modèle, même si on sent la sincérité et l’amour de l’entreprise.

JobanThe1st
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le 3 juil. 2019

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Jofrey La Rosa

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