La stupéfaction est de mise : Guy Ritchie s’appropriant la légende fondatrice qu’est celle arthurienne, il faut bien convenir que l’intérêt était multiple. D’abord parce que le cinéaste britannique est de ceux à même de concilier moyens et ambitions, ensuite parce que sa filmographie carburant à l’adrénaline, le découpage survitaminé et le gangster (très ou trop) verbeux invoque une sacrée dichotomie… le mythe de la Table Ronde supposant des tonalités toutes autres.
Pour autant, à l’image de Kaamelott à la sauce Astier, nulle relecture ne saurait être impossible : se dessine ainsi une curiosité des plus prononcées, le mariage improbable d’Arthur et Guy pouvant accoucher du meilleur comme du pire et, surtout, de l’inattendu. Malheureusement, c’est bel et le bien le pire qui va prédominer dans le sillage d’une œuvre bâtarde comme improbable, incapable de concilier les tics survolés de son artisan et l’envergure fantastique que revêt son sujet.
Pourtant, des fulgurances percent ci et là cette carapace morose : certes, l’inauguration surréelle à la sauce pachydermique vaut bien un haussement de sourcil, mais un semblant de tension l’habillant laissait présager du bon. Empreint d’une gravité de ton comme d’image, l’introduction du duel Uther x Mordred avait de quoi mettre l’eau à la bouche, n’en déplaise à son exécution proprement expédiée ; au global demeure ensuite un casting faisant de son mieux, un vernis graphique probant et ces mêmes gimmicks ritchiens, fondamentalement sympathiques… puis c’est tout.
Car quand bien même Charlie Hunnam composerait un Arthur rebelle et attachant, si ce n’est charismatique, si peu de choses fonctionnent ! Le contraste saisissant entre les enjeux et les ressorts légers/comiques dont use abondamment le film laissent coi, d’autant que le fil blanc est à l’ordre du jour en ce qui concerne la duplicité du traître Vortigern : pas que, forcément, la trame ayant tôt fait de s’enliser avec entrain dans un amoncellement de points pivots tantôt faciles, tantôt grandiloquents.
Toutefois, s’il serait commode de décortiquer les nombreux raccourcis dont abuse King Arthur: Legend of the Sword, gageons que le fond du problème réside avant tout dans son empressement maladif : comme tant d’autres univers ne demandant qu’à se développer avec patience et en bonne intelligence, le résultat est paradoxalement tronqué à l’extrême. Si nous pouvions faire l’impasse sur l’ère Mordred, relegué au rang introductif, le montage hyperactif et la pléiade de sauts spatio-temporels qu’opère le long-métrage désarment toutes perspectives de crescendo.
Là où deux volets, si ce n’est trois, n’auraient pas été de trop, King Arthur: Legend of the Sword opte pour la compression de ses nombreuses ramifications scénaristiques (Uther/Mordred, Vortigern, la Mage, la résistance…) en un blougiboulga frisant l’indigeste : impossible en l’espèce de se prendre au jeu, l’ambivalence supposée de l’oncle tyrannique s’évaporant d’un claquement de doigt (le bougre sacrifie quand même femme et enfant), au même titre que l’influence et importance notable des sorcières des douves, elles qui se cantonneront à un simple rôle d’outil (nous pouvons d’ores et déjà nous asseoir sur le pourquoi du comment).
Ajoutez-y le mariage finalement dysfonctionnel entre la patte Ritchie et le potentiel (avorté) de son sujet, et voici donc que King Arthur: Legend of the Sword se rate dans les grandes largeurs : quoique pas détestable, il faut bien reconnaître que ses drôles d’allures et ses faiblesses en tous genres en font un divertissement raté. Dispensable.