La Communauté de l’Anneau fut l’un de mes films préférés durant mon adolescence, peu étonnant vu mon âge et son énorme succès, il me semblait intéressant d’y revenir avec un regard plus critique plus développé et surtout après en avoir lu le livre original. Je vais d’ailleurs surtout parler ici du scénario du film en tant qu’adaptation avant d’en voir les qualités filmiques à proprement parler. Le récit original, matériau principal de cette intrigue, vous en trouverez mon avis sur ma critique du livre. Il peut donc être intéressant de la lire avant cette critique-ci pour laquelle je considère le scénario comme bien connu de tous.



SCENARIO / NARRATION : ★★★★★★★★★☆



Autant le dire de suite, en tant qu’adaptation, le film est un modèle du genre à mes yeux. Le récit est respecté dans ses grandes lignes mais est adapté par une succession de petites touches subtiles et pertinentes, pour le lecteur comme pour le spectateur à mon sens. Je vais donc consacrer une bonne partie de la critique sans retenue sur les spoilers en revenant sur les changements, du livre au film, que je trouve les plus notables et les rares avec lesquels je peux émettre quelques légères réserves personnelles. Commençons justement par celles-ci pour que je puisse me consacrer pleinement au positif par la suite.


L’entrée du film sur le flashback sur la défaite de Sauron, plutôt que sur la Comté comme dans le livre, permet une entrée en matière plus spectaculaire. Ce fut de l’aveu même du réalisateur qui voulait être sûr de capter l’attention du public dès les premières images, même si ça ne correspond pas au ton du début du récit et que ça démystifie un peu Sauron si tôt présenté, si tôt vaincu. C’est donc en réalité l’un de ces rares choix d’adaptation de ce premier film auquel je n’adhérerai pas. Il est supposé être l’ultime menace de cette trilogie, le mal absolu insufflant une terreur infinie, le voir vaincu si rapidement et si facilement lui porte bien préjudice à mon sens.


D’ailleurs, c’est aussi à ce sujet je peux être assez mitigé, la disparition des nuances sur Sauron, qui n’est pas qu’un avatar du mal dans le livre, là il semble l’incarnation pure du mal. D’un côté, ça permet à la trilogie de se suffire à elle-même, on ne ressent pas la nécessité de voir d’autres films sur cet univers pour avoir le fin mot de cette histoire, c’est une très bonne chose. D’un autre côté, ça rend le personnage un peu moins intéressant à mon goût, il devient un antagoniste aux motivations des plus classiques. Passons maintenant à tous les changements que j’apprécie grandement, au moins les principaux.


Même en version longue, je trouve que le long passage introductif et calme chez les Hobbits est très bien maîtrisé et beaucoup moins laborieux à suivre que dans le livre. On passe d’une durée de 17 ans à 6 mois avec beaucoup moins d’événements secondaires, et avec quelques variations très pertinentes selon moi. Pippin et Merry sont introduits un peu plus tôt comme farceurs à l’anniversaire de Bilbo en devenant responsables de la petite frayeur du dragon d’artifice, une touche d’humour bienvenue à un tel moment. De la même manière, Sam est rapidement introduit comme bon ami de Frodo et assez timide avec son hésitation à inviter Rosie à danser, parfait pour le caractériser et le rendre attachant.


Un autre changement c’est que la mise en danger vient d’abord de Saroumane plutôt que du cavalier noir dans le comté, ce passage-ci est d’ailleurs plus rythmé et plus anxiogène que dans la version littéraire ou le cavalier noir est confondu avec Merry sur un poney par exemple. Le seul ajout véritable de la version littéraire pour moi c’est l’explication plus développée du pourquoi Merry et Pippin se retrouvent mêlées à l’aventure, qui est un peu expédié dans le film. Sinon, même en version longue je trouve que les raccourcis opérés par cette adaptation cinématographique sont très pertinents.


Concernant la mise en danger première par Saroumane, c’est d’abord une bonne idée puisqu’elle permet de surprendre même le lecteur avisé du moment où le ton du récit bascule. C’est aussi assez bien pensé car on montre Gandalf prisonnier plus tôt que dans le livre mais on ne montre son évasion qu’après qu’il ait retrouvé Frodon, donc on entretient la surprise de Frodon comme du spectateur de le voir à Focombe. Mais la meilleure idée à Focombe c’est d’insister sur le fait que Frodo n’était pas destiné à réaliser cette quête depuis le début, il prend une décision forte et courageuse, résolvant une impasse pour les personnages forts du récit, Gandalf inclus, c’est très bénéfique pour le personnage et le sens de toute sa quête.


Arwen qui sauve Frodo des cavaliers noirs, en faisant preuve de courage, de dextérité et de ruse, à la place de Glorfindel est une superbe introduction pour ce personnage important qui sera d’ailleurs bien trop passif à mon goût par la suite, la mise en retrait d’un personnage secondaire non développé plus tard dans le récit n’est en rien dommageable. Enfin, terminons par les références un peu trop explicites au hobbit, qui n’avait pas encore son adaptation au cinéma je le rappelle, qui sont intelligemment esquivées, comme la conversation entre Frodo et Gloin.


Toutes ces variations dans le scénario ont fait l’objet d’un travail que Philippa Boyens, co-scénariste, décrit ainsi :



Il fallait se laisser la possibilité de dévier de l’histoire pour une plus grande créativité, ne pas avoir peur des changements. Chacun d’entre eux fut décidé avec cette question en tête : que faut-il garder qui fonctionne à l’écran ?



Si j’ai quelques réserves personnelles sur certains acteurs au casting, notamment Orlando Bloom et Liv Tyler, beaucoup d’acteurs que j’apprécie grandement y jouent parmi leur plus grands rôles. Ian McKellen est tout simplement impérial en mentor pouvant être aussi bien une présence chaleureuse et rassurante, que combative et grave. Viggo Mortensen parvient à insuffler beaucoup de profondeur au personnage d’Aragorn où il semble assez souvent mélancolique et réservé, témoignant de tout le poids qu’il ressent sur ses épaules. Sean Bean parvient totalement à laisser transparaître les nuances de son personnage, l’ambivalence entre sa force de caractère naturel et sa faiblesse exposée par l’anneau, aussi charismatique qu’attachant. Ian Holm est parvenu à allier l’aspect chaleureux du personnage de Bilbo tout en ayant ses petits moments de folie avec l’anneau pour montrer comment il peut corrompre un innocent et cela très tôt dans le film, à un moment où c’est juste fondamental de véhiculer ce message.



RÉALISATION / ESTHÉTISME : ★★★★★★★★★★



Si la Communauté de l’Anneau est aussi réussi dans le fond, il l’est également dans la forme avec le même état d’esprit de lier ce qui fonctionne à l’écran et le respect envers le matériau originel. Par exemple, s’il aurait été plus simple par exemple de ne pas respecter la petite taille des hobbits pour le tournage, le respect de l’univers l’imposait et le film s’y est plié en multipliant les astuces de réalisation pour y parvenir (plans successifs des vrais acteurs et des doublures, superposition d’un acteur jouant sur un fond vert, jeux de perspective faisant l’illusion, tournage dans 2 décors identiques mais de différente taille, figurants sur des échasses hors écran…).


La mise en scène sait se faire très spectaculaire et pertinente selon les situations : les spectres ont plusieurs scènes où les angles de caméra transcrivent magnifiquement l’angoisse qu’ils procurent, le long plan aérien du point de vue d’un papillon survolant Isengard dévoile magnifiquement l’ampleur du développement industriel des orques, la steadicam pour représenter le chaos d’un affrontement dans un lieu étroit fonctionne bien sans devenir trop brouillonne ou prise de tête, la vue subjective pour suivre la trajectoire d’une flèche permet de bien se rendre compte des distances et de la précision du tir...


Beaucoup de décors de grande envergure offrent une magnificence à cet univers d’Heroic-Fantasy. Certains d’entre eux avec de très nombreux figurants ont été élaborés même pour quelques minutes seulement dans le récit car ils étaient des lieux importants très détaillés dans le livre, ce n’est pas vraiment négligeable d’avoir fourni ces efforts. Les costumes sont aussi de grande qualité avec l’allure gothique des spectres, monstrueuse des orques, soyeuse des elfes… Le maquillage est tout aussi soigné avec par exemple les différentes configurations pour Biblo afin de refléter son vieillissement accéléré depuis qu’il ne porte plus l’anneau.


Quelques plans esthétiques formidables parcourent le film : la silhouette du cavalier noir à la nuit tombée, Aragorn plongée dans une lecture autour de sculptures et gravures dans un ton bleuté, Arwen et lui se déclarant leur amour dans le cadre idyllique d’une végétation luxuriante entre cascade et rayons de lumière, Gimli agenouillé devant la tombe de Balin alors éclairé par un rai de lumière face à lui, le Balrog jaillissant des flammes émanent une chaleur si ardente qu’elle en déforme l’image… Le film est véritablement magnifique visuellement de bout en bout, profitant pleinement des paysages naturels sublimes de la Nouvelle-Zélande.


L’OST composée par Howard Shore est un chef d’œuvre qui excelle dans absolument tous les domaines. Non seulement la musique est extra-ordinaire, mais elle peut parfaitement s’adapter aux images comme lorsque la musique accompagnant la mort d’un personnage qui s’entend davantage comme un écho au fur et à mesure qu’il perd ses forces. Si les personnages ne chantent que très peu de façon intra-diégétiques, l’usage des chants dans le roman est très bien utilisé ici, avec des textes bien choisies ajoutés aux thèmes musicaux instrumentaux.


Cela permet notamment d’appuyer la mélancolie de certains passages de façon parfaitement grandiose. Le doublage très effrayant de l’anneau est très réussi alors qu’il aurait pu être rapidement ridicule. D’une façon générale, les langues propres à l’univers de la Terre du Milieu sont très bien représentées avec des répliques bien choisies prononcés avec beaucoup d’application de la part des acteurs. On peut ressentir intensément à leur seule écoute toute la noblesse des Elfes comme toute la terreur du Mordor, nouvelle preuve du respect du film pour retranscrire l’univers du livre par ses biais cinématographiques.



CONCLUSION : ★★★★★★★★★☆



Je ne suis pas le plus grand fan du récit original tel que le livre nous le fait vivre, mais cette adaptation filmique réussit à en reprendre les forces et à les pousser à leur paroxysme sur le fond comme sur la forme. D’une part, elle en corrige énormément de choses quant à son écriture pour un récit plus captivant à mon sens. D’autre part, elle exploite toutes les qualités possibles d’une superproduction pour lui conférer une ampleur proprement incroyable. Cet immense travail sera confirmé dans ses suites, peut-être même renforcé, mais la prouesse fut dès ce premier film grandiose, figurant toujours parmi mes films préférés, peut-être même plus encore avec les années et le regard plus critique que je lui porte.

damon8671
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le 1 août 2020

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