À la veille de la chute de l’URSS, Lopouchanski fait psalmodier ”laissez-moi sortir d’ici !” telle une prière à ses démons de figurants. Le monde est tombé, inondé, pollué : il ne reste plus que des monceaux de détritus et des bonnes volontés se résumant à la survie de l’âme, l’âme soviétique sans doute.


Ce n’est pas une surprise de découvrir que le réalisateur a assisté Tarkovski sur Stalker dix ans auparavant, car les deux œuvres sont connectées au point qu’elles pourraient figurer dans le même univers. Mélanger deux œuvres n’est pas dans mon habitude mais je me sens presque rassuré d’imaginer que c’est possible.


Tourné en jaune et rouge, Le Visiteur du musée semble tapisser ses murs du sang de tous les disparus, comme s’ils alimentaient la psychose toujours plus gluante qui envahit les personnages jusqu’à faire ressembler les humains aux dégénérés qu’ils parquent dans des réserves quand ils ne s’en servent pas de serviteurs. À l’instar du Japon qui transforma la bombe en monstre, la Russie fait de son peuple, au plus fort des douleurs de l’accouchement, des zombies bien de chez elle.


L’œuvre transmet un grouillement humain et des contorsions presque obscènes de l’esprit malade qui mettent l’Homme à la place qui lui est réservée devant Dieu : insignifiant et arrogant. Dieu devient le ciel rouge et la mer morte – quoique la mer d’Aral était tout indiquée pour jouer ce rôle, mais je n’ai pas trouvé confirmation que ça y était tourné – et celui qui a le vrai pouvoir : celui de ne rien faire et de condamner par son absence l’Homme dans sa foi.


Tout est Stalker, y compris la longueur des plans et l’ennui, mais aussi la technique derrière les longs déplacements de caméra. Le musée qui est poursuivi n’a rien d’une rédemption : comme la marée qui l’abrite, il va et vient dans les espoirs et la lancinance, marque de fabrique d’un cinéma soviétique regretté.


Quantième Art

EowynCwper
8
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le 30 sept. 2019

Critique lue 202 fois

Eowyn Cwper

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