Le Vent se lève
7.3
Le Vent se lève

Long-métrage d'animation de Hayao Miyazaki (2013)

"Le vent se lève ! . . . il faut tenter de vivre !"
L'ultime Miyazaki s'ouvre par ce très court extrait d'un poème de Paul Valery. Ode à l'imaginaire, à l'amour et à la passion, bref à la vie, ce nouveau Ghibli est grandement inspiré par le texte français. Il s'appuie malgré cela sur un récit plus réaliste que tout ses précédents, ce qui le rend plus personnel. Très belle histoire de vie apportant un joli engouement et une relation émouvante. Dans un contexte de guerre et de crise, la place faite à la beauté de la nature est saisissante. Tout cela avec le savoir faire du maître japonais et son tracé si beau et si singulier.

"Le cimetière marin", le poème de Paul Valéry est une corrélation de la grisaille du désespoir et de la lueur qui émane de la nature. Ambivalence souvent présente dans les œuvres de Miyazaki. Le titre de l'écrit est déjà en lui même une oxymore peignant cette dualité.
"Mais rendre la lumière
Suppose d'ombre une morne moitié."
Image très nette dans ce vers. Les vocabulaires de la couleur et de la nature sont très présents dans le texte, et parfois associés. Passage très éloquent choisi par le cinéaste qui est en son sens un "Carpe Diem" plein de poésie. Jolie image que le souffle du vent qui allège le poids de la vie et de ses fatalités (ou ses inepties). "Le vent se lève" ne pouvait s’appeler autrement, et cette phrase qui complète le titre résonne tout au long du film. Le dernier choix de Naoko, la fiancée de Jirō, en est l'écho évident. Mais l'inspiration venue de la poésie ne se ressent pas que dans le texte. Les dessins de Miyazaki alternent le vert luisant de l'herbe, les bleus électriques du ciel et de l'eau avec la grisaille et les tristes couleurs de la guerre. La mer et les plaines frissonnent, les avions de papiers battent des ailes. La nature choyant est sujet de prédilection du réalisateur japonais. Il apporte à cela sa fabulation géniale, toute la rêverie propre à l'auteur du Voyage de Chihiro est de nouveau présente.

Il s'agit toujours d'une aventure pleine d'onirisme mais bien plus pragmatique que toutes les autres. Déjà c'est nouveau que la frontière entre imaginaire et réalité soit aussi claire. Le mariage est parfait, les rêveries s'inscrivent très bien dans le propos. Récit porté sur la beauté de la vie et la nécessité d'en profiter.

La passion de Jirō apporte la première touche de réjouissance. Un engouement communicatif qui rend la première partie du film très enjouée. Amusant et touchant, ce personnage est admirable. La rencontre qui prendra la relève dans l'intrigue est l'essence des plus belles émotions, mais donne un goût de précipité à ce qui est en amont de l'histoire d'amour. Trop d'ellipses, dommage. L'histoire des amants maudits est en revanche extrêmement bien ficelées. La romance évolue avec finesse pour se conclure d'une manière bouleversante mais cohérente. Un amour simple, beau, vraiment émouvant et plein de vie.
"Vous êtes habile", ce gimmick du couple symbolise à merveille le flirt grandissant imagé par des objets faussement égarés puis attrapés au vol par le destinataire. Chouette métaphore de regards complices et de mots insinués qui font naître une rencontre. "Le vent se lève" ne souffle pas de tristesse glaçante malgré une situation tragique et un ancrage en pleine guerre.

Le côté rêveur de notre ingénieur aéronautique créer vite des embarras par rapport à son travail. L’ambiguïté est traitée, dans une excellente scène de briefing notamment, mais peut-être pas assez appuyée. Pas de franche rébellion ou démission face à la brutalité d'une mission tout de même loin des rêves d'enfant de Jirō. L'objectivité manque peut-être à Hayao Miyazaki qui livre beaucoup de lui dans cette histoire (inspirée néanmoins de la vrai vie de Jirō Horikoshi).

Comme Naoko, la maman du cinéaste est décédée d'une tuberculose (traumatisme retranscrit aussi dans Mon voisin Totoro), son père était directeur d'une entreprise en aéronautique. Le milieu de l'aviation a toujours était très présent dans les œuvres de Miyazaki mais c'est probablement le plus bel hommage qui lui ai été fait dans "Le vent se lève". Tout la passion paternelle transmise apparaît pleinement à travers le biopic du créateur du chasseur Mitsubishi Zero. Enfin lorsque le temps de l'inventivité est abordé, le choix de la retraite du réalisateur résonne. L'idée qu'après 10 ans la créativité est grandement diminuée semble être une réplique très personnelle, voir une justification du réalisateur. Si c'est le cas il a bien tord !

Voilà plus de 30 ans qu'Hayao Miyazaki est arrivé dans le cinéma et qu'il signe des films riches et variés. Cette œuvre ultime n'est aucunement le prémisse d'un manque d'inspiration, au contraire. Attendrissant et bien fondé, "Le vent se lève" est un de ses films les plus complets.

Créée

le 26 janv. 2014

Critique lue 394 fois

Adam Kesher

Écrit par

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