Legend
6.2
Legend

Film de Brian Helgeland (2015)

Legend de Brian Helgeland est un film de gangsters reprenant le schéma conventionnel du Rise and Fall, autrement dit l'ascension et la décadence d'une société de malfrats. Il a néanmoins de nombreux arguments qui lui permet de se démarquer avec une ambiance bien particulière.


Pour commencer, Legend a fait sa promotion sur l'argument marketing de faire jouer deux des trois personnages principaux par le même acteur, Tom Hardy.
Cependant, là où le spectateur pourrait s'attendre à une mise en parallèle continu des deux protagonistes, le film emploie une autre route en imposant dès le début un narrateur extérieur, à savoir le personnage de Frances, incarnée par Emily Browning.
Frances sert alors de point de pivot, de personnage « normal » auquel le spectateur pourra se rattacher. C'est a elle que l'on s'attache et que l'on suit dans sa découverte du monde des gangsters, à la manière du personnage de Karen dans Les Affranchis.
De plus, Frances s'éprend pour le plus "stable" des jumeaux Kray, Reggie joué par Tom Hardy, et c'est donc lui qui bénéficiera du plus de temps à l'écran.
Le traitement des deux frères n'est pas équilibré, et Ron devient alors un personnage complètement détaché et difficile à appréhender. Cela le rend d'autant plus malsain et inquiétant. Reggie est un total adjuvant et Ron est en complète opposition à la trame scénaristique.


La double interprétation, qui avait pour risque d'être juste un argument marketing, devient alors une vrai performance à partir du moment où, dès leur deuxième apparition, les deux jumeaux semblent être incarnés par deux acteur différents. Les voix, les postures et même leurs visages sont complètement différents. D'ailleurs ce pseudo argument, mis en avant dans la promotion du film, ne l'ai jamais dans le film. Le personnage de Ron n'est introduit que bien après Reggie, et il restera au second plan une bonne parti du métrage.


C'est aussi un vrai plaisir de retrouver Taron Egerton, qui après avoir été le héros attachant de Kingsman, interprète ici le compagnon narquois de Reggie, Teddie.


Le rythme, parfois lent, permet de distiller un réel attachement au personnage de Reggie, avec ses répliques flegmatiques et sa relation avec Frances. Il en est presque dommage de voir Ron basculer aussi vite et un peu maladroitement. Le dernier tiers du film est peut être le plus intéressant car c'est à ce moment que l'on ressent une vraie émotion pour les personnages. Le rapport du spectateur à Ron et Reggie s'inverse, et le destin tragique de Frances en devient d'autant plus bouleversant.


Enfin, la mise en scène, bien que jamais vraiment virtuose, à pour mérite de présenter de bonnes idées de montage, comme les bagarres de Ron et Reggie. Helgeland met également une réelle application à filmer les grandes réunions de gangsters. Il les mets tous dans un même cadre, présentant de réelles compositions qui icônisent ses personnages.
Aussi peut-on souligner la prouesse de prendre pour cadre la banlieue londonienne et ses cités dortoirs en briques, vraiment déprimantes. Les scènes d’intérieurs deviennent presque un soulagement, baignant dans une ambiance inimitable et purement anglaise (les salons de thés, les bureaux et les pubs).
Son cadre spatio-temporel décrit un lieu et une époque qui aura vu naître certaines des plus grandes influences de la culture occidentale de la fin du XXème siècle. C'est dans ces lieux et à cette époque qu'ont grandis les Mods, les artistes et les stars du rock. Et c'est d'ailleurs ces gangsters qui inondent les boites de nuits anglaises de pilules et de speeds.



  • La scène où Frances explique consommer des anxiolytiques fait immédiatement référence à la chanson des Rollings Stones, Mother's Little Helper.

Julien_Jeanne
7
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le 31 janv. 2016

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Tcherno  αlpha

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