Le premier piège à éviter vis à vis de Desierto, c'est de comparer le réalisateur Jonàs Cuàron avec son père Alfonso (ici producteur). Si la mise en scène se transmettait dans les gènes, Sofia Coppola aurait fait au moins un bon film.
Desierto est un premier film, et Jonàs Cuàron réussi l'exploit d'éviter bien des écueils. Comme la profusion outrancières d'artifices de mise en scène dès son premier film, ou un parti pris auteurisant souvent casse-gueule.


La chose qui semble être la plus reprochée à Desierto est qu'il serait dépourvu de scénario. Pourtant, scénario il y a, puisqu'il y a une situation initiale / événement perturbateur / péripéties / situation finale. Les personnages évoluent, dialoguent, agissent et interagissent.
Ce qu'on peut rapprocher à Desierto, par contre, c'est que bien que les personnages soient plus définis par leurs actions que par leurs dialogues, ils sont pour la plupart biens vides, très archétypaux et pas tous intéressants.


On ne peut en revanche pas nier que Desierto est un pure film de genre. C'est un survival, mis en scène de façon très naturaliste, sans esbroufe, sans inserts poseurs et sans plans contemplatifs pseudo-arty.
On évolue ici dans une intrigue prévisible, relecture de Les Chasses du Comte Zaroff, avec une troupe de personnage stéréotypés, inhérents au genre du survival, mais facilement identifiables. Le réalisateur se permet d'éviter ainsi des expositions inutiles pour se concentrer sur sa mise en scène et sur l'action.
Les migrants ne sont jamais filmés de (très) près, Jonàs Cuàron donnant parfois un point de vue objectif se rapprochant du documentaire. Un traitement qui, en plus du propos du film, rappelle le novateur Punishment Park de Peter Watkins.


On peut par contre reprocher l'absence d'audace dans la mise en scène, mais le dernier tiers du film révèle néanmoins quelques bonnes idées. Par exemple, son court métrage Aningaaq se terminait par un panoramique verticale, Desierto se conclu lui par un panoramique horizontal.


Desierto souffre souvent de la comparaison avec le Duel de Spielberg, par son histoire et son cadre, mais c'est surtout après le chef-d'oeuvre de Tommy Lee Jones Trois Enterrements qu'il est difficile de passer.
Son propos pouvant paraître opportuniste (pour une année électorale), il est pourtant crucial dans le cadre socio-politique des États-Unis et du Mexique. Le légitime réalisateur Jonàs Cuàron veille bien, même trop, à éviter de souligner de façon trop larmoyante son sous-texte politique. Peut-être aurait-il quand même fallut l'illustrer de façon allégorique et inventive, mais c'est beaucoup demander pour un premier film.



  • On peut aussi reconnaitre l'application avec laquelle Jonàs Cuàron filme le chien. Il est l'un des personnages principaux du film et est utilisé de façon intéressante. Et c'est un (même trois, en fait) très beau Malinois. Oh oui c'est un beau chien ça.

    Par contre, en deux métrages consécutifs, Jonàs Cuàron a déjà tué deux chiens. Donc attention #triggerwarning chien qui meurt.



Desierto est un premier film humble et honnête, mais qui manque cruellement d'audace et d'inventivité. Et Jonàs Cuàron a pris une route audacieuse, mais rassurante, dans le cinéma actuel s'il a choisi de faire d'autres films de genre.

Julien_Jeanne
6
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le 2 avr. 2016

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Tcherno  αlpha

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