Les Contes de la lune vague après la pluie par Alligator

Après une assez longue pause ciné où les séries se sont enchaînées presque sans arrêt, j'avais un besoin de vieille pellicule. L'idée d'un Mizoguchi s'est avérée très bonne. Cela faisait trop longtemps que je n'avais goûté au maître.

Ces contes moraux ressemblent tellement à ce que j'ai déjà vu de Mizoguchi que j'ai eu ce plaisir charmant qu'on éprouve lors de retrouvailles : on est à la fois rassuré et ravi de goûter à nouveau à quelques saveurs qu'on craignait disparues car trop évanescentes, trop fragiles peut-être. Non, Kenji Mizoguchi fait encore la part belle aux femmes. Ici de nouveau, elles subissent la fragilité des hommes.

Que ce soit celui qui succombe au charme de la sensualité aristocratique et de la flagornerie, ou bien celui qui reste aveuglé par une ambition mégalomane et tout aussi vaine de ses gloires militaires que la brillance des armures et des lances semblent projeter avec une force implacable sur les médiocres âmes, tous ces hommes ont la fâcheuse faiblesse d'oublier leurs épouses qu'ils abandonnent à leur sort qu'un Japon en guerre rend encore plus triste.
Mizoguchi aborde ce thème récurrent chez lui avec des contes moraux mêlant l'Histoire du pays et sa tradition fantastique. Quand la légende édificatrice accompagne en un doux parallèle le cours de l'histoire, d'un passé réel, le cinéaste se rend maître de son récit avec une admirable facilité dans l'écriture comme dans le montage.

On retrouve également son aptitude à magnifier sa narration par une mise en image somptueuse. Entre le travail effectué sur les ombres dans les scènes de nuit, en quasi clairs-obscurs saisissants parfois, et la picturalité époustouflante de certains cadrages en pleine nature, on ne louera jamais assez la collaboration entre Kenji Mizoguchi et son chef opérateur Kazuo Miyagawa. Le film recèle son lot de petits cadeaux visuels.

Entre le fond et la forme, les contes de la lune vague après la pluie sont d'une poésie ineffaçable. Moi et ma mémoire d’amibe sous Xanax, je crois bien que je me souviendrai longtemps de cette femme et son enfant faisant leurs adieux à l'époux/papa sur le bord d'un lac.

Bien sûr, le propos du film est comme toujours très appuyé. Le conte se veut volontiers mélodramatique. Je me rappelle avoir été perturbé par cette accumulation d'emmerdes qui tombent sur les personnages lorsque j'ai vu pour la première fois un film de Mizoguchi. Il faut accepter ce préalable, comme on le fait pour une fable afin d'apprécier la construction narrative et proprement cinématographique que nous propose ce grand cinéaste.
Alligator
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le 25 oct. 2013

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