Même si Audiard aime à filmer les hommes qui se heurtent à de graves problèmes ou à eux-mêmes, réminiscence récurrente de sa déjà très riche filmographie, on ne s’attendait pas à le voir conquérir le genre balisé et devenu quasiment exclusivement américain du western pur jus. Mais, à la réflexion, quel genre incarne le mieux la virilité d’hommes en proie en conflit avec leurs semblables que celui-ci. C’est donc au XIXème siècle sur la côte ouest du pays de l’Oncle Sam que le cinéaste français tourne son premier film étranger. Américain donc, logiquement et pour être plus précis. Revolvers, chapeau de cowboys, duels, saloons et ruée vers l’or égrainent donc la trame d’un film qui, s’il ne révolutionne peut-être pas le genre comme on l’aurait secrètement espéré, le renouvelle à sa manière, par petites touches. « Les frères Sisters » n’est pas vraiment un hommage français au genre mais fait montre d’un beau respect tout se positionnant comme une belle déclaration d’amour envers lui.
Le genre s’est fait plutôt rare depuis plusieurs décennies mais il nous offre régulièrement quelques beaux spécimens comme « 3h10 à Yuma » ou « Trois enterrements ». Cette année, Scott Cooper nous a tous mis à terre avec le magnifique et poétique « Hostiles » qui marquera les esprits pour longtemps par son côté définitif, presque le parangon tardif de tout un genre à priori moribond. « Les frères Sisters » est réussi. C’est indéniable. Cependant, il n’atteint pas la magnificence de son cousin de 2018. Le film d’Audiard est plus classique dans sa tonalité et son déroulement même si le scénario réserve régulièrement quelques saillies inattendues comme cette séquence où les frères arrivent sur une plage de l’océan Pacifique (vue très rare dans un western) ou celle de la piqûre d’araignée, quelque peu incongrue mais plaisante. De la même manière, le film réserve quelques personnages iconoclastes (comme Mayfield) et des notes d’humour bienvenues et probantes qui dénotent dans le cadre du western et même dans la filmographie d’Audiard. Le scénario est donc parfois surprenant sans pour autant être original non plus et reste dans le respect des codes du genre.
On ne s’ennuie pas un seul instant sur les deux heures que dure le film entre beaux plans et fusillades musclées bien échelonnées. Le temps passe vite et on prend plaisir à suivre cette chevauchée de ses deux frères à la poursuite d’un chimiste et d’un détective. C’est d’ailleurs lorsque les deux groupes sont réunis que le film déploie ses meilleurs moments. Les scènes où les quatre personnages sont réunis sont belles et dégagent une agréable sensation d’apaisement. Et le choix de casting du metteur en scène pour incarner ce quartet de personnages relève du génie. En plus d’être prestigieux, ces quatre acteurs sont en osmose totale et très bons. Joaquin Phoenix au sommet de son art, John C. Reilly plus nuancé et grave qu’à l’accoutumée, Jake Gyllenhaal encore une fois parfait et étonnant et un Riz Ahmed qui apporte une touche de douceur à tout cela. Quatre acteurs brillants qui permettent de très beaux moments et auxquels on offre d’excellents dialogues. Si on attendait peut-être encore plus de cette rencontre au sommet entre cette distribution quatre étoiles, l’un de nos réalisateurs les plus renommés et ce genre si mythique, c’est tout de même du cinéma avec un grand C.
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